Création mondiale en lever de rideau du festival Jazz(e) à Montbrison : dans le cadre du jumelage entre Montbrison et la ville d’Eichstätt, le Théâtre des Pénitents a passé commande à Carine Bonnefoy, compositrice, arrangeuse et pianiste de renom, d’un concert joué pour la première fois ce soir sous les voûtes de la Collégiale Notre-Dame, fruit d’un travail collectif de plus de 18 mois.
Outre le gène du voyage, ses origines tahitiennes ont instillé à Carine Bonnefoy un esprit large et une ouverture vers toutes les cultures qu’elle associe avec bonheur dans ses compositions, tout comme elle aime combiner les formations de prime abord hétéroclites. Les cinquante choristes de la Maîtrise de la Loire, les trente instrumentistes du Gabrieli Gymnasium Wind Band d’Eichstätt et un quintet de jazz constituent l’équipage qui va piloter la nef de la Collégiale vers cet Ailleurs, sous la direction de pas moins de trois chefs. L’exercice est ambitieux, et tout le monde s’en sort avec brio.
Huit épisodes racontent L’Ailleurs, inspirés par des textes de poètes voyageurs, dits ou chantés par Manu Domergue, jalonnés par trois intermèdes du quintet de jazz issus du répertoire de Carine Bonnefoy. Les titres plantent le décor :
1er épisode : Face à la mer
2ème épisode : Approche de l’invisible
3ème épisode : Ame ultramarine
Intermède : Today is Tomorrow
4ème épisode : Iles, sur un poème de Blaise Centrars
5ème épisode : L’appel du large, sur un poème de Charles Baudelaire
Intermède : The Hiding Place, sur un texte de Margot Jeannerot (maîtrisienne)
6ème épisode : Conseils au bon voyageur, sur un poème de Victor Segalen
7ème épisode : Extase, sur un poème de Victor Segalen
Intermède : Echoes
8ème épisode : Perdre le midi quotidien, sur un poème de Victor Segalen
Tantôt grandioses, tantôt intimistes, franchement jazz ou renvoyant à l’atmosphère de concepts albums du rock progressif, les compositions dessinent un univers à la fois figuratif et introspectif. Aux images évocatrices de paysages et de rencontres rythmiques et harmoniques, succèdent des phases solitaires propices au voyage intérieur dans le chaos des pensées vagabondes ou à la rêverie. Les rythmes ponctuent les intentions, les harmonies se frottent, parfois à la limite de la dissonance, les pratiques musicales se fondent et se découvrent ; en témoignent les yeux écarquillés de certains choristes de la maîtrise quand Manu Domergue prend l’improvisation vocale dans le dernier épisode.
Armé d’une solide rythmique, avec André Charlier à la batterie et Chris Jennings à la contrebasse, le quintet ouvre la voie(x) et pose les fondations de l’édifice. Les chorus sont précis, Carine Bonnefoy au piano dans l’esprit pur de ses compositions, Thomas Savy au sax soprano et à la clarinette basse, Manu Domergue au cor (privé de mellophone par une blessure à la main droite) dans un registre plus débridé.
Devant l’enthousiasme manifesté par le public, les orchestres reprennent en rappel le dernier épisode ; la tension s’est envolée mais pas la concentration, et cette nouvelle version était encore plus réussie que la première.
Le rideau retombe, et Carine Bonnefoy exprime son désir de faire « tourner » son œuvre dans les mois qui vienne.