Laurent Bardainne a toujours plus d’un fer au feu, Tigre d’Eau Douce est le dernier en date. Tout vibrant de ses explorations dans les univers punk, rock, électro, free, techno, il revient vers le jazz, version mélange des générations et des genres. Kinshasa cueille tout le monde à froid. D’abord le son : basse Fender Precision jouée au plectre pour une intro qui vous instille une ritournelle entêtante, Hammond B3 à petites notes piquées façon « popcorn », grosse caisse et charleston qui poussent discrètement et vous donnent des spasmes dans les mollets. Tout est prêt pour lancer Laurent Bardainne et son ténor. Le son est droit, puissant, la mélodie se pose en toute simplicité. Pas de prise de tête, pas d’accords alambiqués. C’est propre, c’est efficace, et quand arrive le pont, on se sent pousser les pattes d’eph’ et les chemises à col pelle à tarte. Y’a du disco, y’a du funk, y’a de l’afrobeat, et y’a aussi du jazz corsé quand Laurent Bardainne lâche les chevaux pour un chorus décoiffant. Finies les conventions de la gamme pentatonique, place à l’altéré, au tri-ton, au chromatique. Et quand Arnaud Roulin lui emboîte le pas, la mayonnaise ne retombe pas. Ensuite l’énergie : d’entrée de jeu, les mousquetaires du tempo sont à fond les manettes, Roger Raspail derrière ses percussions, Philippe Gleizes aux baguettes, nous gratifient chacun d’un chorus flamboyant. On est assis sur un volcan.
Après Félin méchant, ballade qui « dégénère » sur la fin côté métronome, une grande déambulation saxophonique introduit Insolente qui nous plonge dans des ambiances jazzy des eighties ; on se prend à imaginer la silhouette de Sade ondulant au-dessus de la scène sur une cadence de méhari.
Cabane reste dans la veine smooth jazz, puis arrive Bachibouzouk ! Agrémenter un B3 d’un petit synthétiseur, il fallait y penser ! La mélodie aux résonnances familières se pose sur une solide ligne de basse tenue sans broncher par Sylvain Daniel. Discret sur toute la durée du set, il suffit de fixer un peu son attention sur les basses fréquences pour se rendre compte qu’il est un solide pilier de la formation et que son jeu est aussi fourni que diversifié. Plectre, picking, walking bass, tout y passe, et toujours le son de la P-bass.
Inspiré de l’œuvre du facteur Cheval, Le vent, les arbres, les oiseaux m’encouragent présente un motif répété dans toutes les tonalités possibles, en mode majeur ou en mode mineur. Pour Apaches, la basse prend des sonorités de la balafon, portée par les percussions africaines. Le tempo s’anime et le tigre prend des couleurs « pourpre profond » pour propulser le saxophone vers l’univers du hard rock britannique.
La tension retombe avec Everlasting Child, mélodie planante sur fond de basse en picking, nappe de B3 et pulsation de shékéré.
Le set se termine par Roger, qui fait la part belle à Roger Raspail pour le bouquet final.