Répétition publique du big band du Conservatoire
Programme dense pour cette dernière journée du festival, qui commence dès potron-minet au Diapason avec la répétition publique du big-band du conservatoire de Roanne, dernières touches avant le prochain concert sous la baguette de François Forestier. Mises en places, structures, travail de détail, nuances : tout y passe devant un public attentif où les jeunes voire très jeunes musiciens sont nombreux. L’occasion de voir que les grands aussi doivent travailler, et de mesurer le plaisir que procure l’aboutissement collectif, sur la scène comme dans les gradins.
Duo MIRAL
Très belle programmation de la part de Canal Jazz pour la troisième soirée de Jazz en Avril au Diapason à Roanne.
Le premier groupe, Duo Miral, dans une ambiance intimiste et une très grande communion entre les musiciens nous fait voyager entre l’ile de la Réunion, le moyen orient pour un métissage fort agréable.
Baptiste Ferrandis à la guitare, entame la soirée avec des sons assourdis sur lesquels vient se poser la voix douce et charmeuse de Climène Zarkan, à l’aise dans tous les registres, chantant alternativement en français et en arabe, s’accompagnant au kayamb sur Imagine. Baptiste s’échauffe sur une improvisation démontrant déjà sa virtuosité sur les cordes de son instrument.
Ils enchaînent avec une composition à partir de morceaux traditionnels du Moyen-Orient, sur lequel cette fois elle s’accompagne au daf avec une belle montée d’énergie avant de finir en douceur. Suit une composition de Baptiste en langue créole, Ma lime hélas, le daf ayant laissé place aux kas kas que Climène manie avec dextérité, gardant le rythme tout au long du chant.
Nouveau morceau au répertoire, Stank (silence en Arabe), inspiré d’une poétesse Syrienne narrant ses souvenirs de Syrie et de l’exil, thème très parlant pour la chanteuse franco-syrienne. De très beaux contrastes dans les nuances (piano et fortissimo) entre légèreté, souffrance et colère pour finir avec un sentiment d’acceptation et de tristesse.
De retour à la Réunion avec Zwazo, un projet en cours avec un grand musicien de l’île, associant écriture en arabe par Climène et en créole, représentant l’image de la liberté de l’oiseau. Encore une preuve de cette communion entre voix et guitare qui se répondent, les paroles volent au-dessus de la formidable musicalité de Baptiste. Mes Stou nous ramène au Moyen-Orient avec beaucoup d’onomatopées et un solo de guitare accompagné par des nappes à la voix.
Danse mon Riton, écrit par Baptiste pour un ami en détresse à qui il souhaite le chemin de guérison, qui nous donne bien envie de croquer la vie à pleine danse ! Miral parle cette fois de solitude, inspiré d’un poète palestinien « pourquoi suis-je si seul alors que j’ai tant de magie en moi » chante Climène avec l’impression d’un accompagnement de deux guitaristes par Baptiste qui décidément nous fascine par son jeu. Toujours beaucoup de nuances, d’expression dans ce duo.
Un morceau écrit par le père de Climène en arabe classique (encore une qui est tombée dans le chaudron de la musique à la naissance) parlant de l’amour spirituel, où la voix passe par tous les registres de très grave à très aigu (homme/femme ?) avec pureté et spontanéité se terminant par un duo de voix. Avant un rappel plus que chaleureux, nous embarquons sur une valse musette, Indifférence, à un rythme effréné, maintenu par les kas kas, sur lequel la virtuosité de Baptiste est encore prouvée pendant que les paroles galopent nous entraînant dans la danse. Nous finissons sur un chant très doux plein d’émotion.
Climène est heureuse de chanter et de partager avec Baptiste leur musique d’une richesse culturelle intense et nous sommes prêts à revivre de tels moments.
Planet B
Quelle claque avec le groupe suivant, Planet B, trio de choc très soudé, avec à sa tête le grand contrebassiste danois Jasper Høiby.
What it means to be human titre de leur nouvel album sur le conflit de l’humanité, le dérèglement climatique, l’intelligence artificielle, annonce la couleur.
Nous débutons avec Clock of the world, les cymbales sous les baguettes de Marc Michel imitent un son de vagues, les notes grinçantes sous l’archet de Jasper et des sons font penser à des cris de baleines par Josh Arcoleo au saxophone ténor.
Ceci n’est qu’une introduction à une suite de morceaux non stop, parsemés de discours de penseurs et militants de la protection de la planète qui viennent rajouter du poids au mal-être qui ressort de leur jeu. Pas d’harmonies dans cette écriture mais des suites de mélodies, d’improvisations, de connections entre les instrumentistes toujours à l’écoute les uns des autres. Josh fait corps avec son saxophone, tantôt lui insufflant des sons faussement justes ou plutôt justement faux nous faisant ressentir le malaise de l’humain que nous sommes au cœur d’un monde à la dérive, tantôt modelant des mélodies chaudes et veloutées auxquelles nous nous raccrochons, un peu rassurés.
Marc est un équilibriste sur sa batterie, toujours à la recherche d’une idée nouvelle se raccordant avec le discours de la contrebasse et du sax. Chaque instant est une création.
Sur Consciousness l’archet entame le morceau tel une corne de brume, entrecoupé de notes sporadiques que rejoint le saxophone en résonnance.
Autre ambiance dans One voice où cette fois les notes sont posées dans l’espace puis se rapprochent petit à petit avant de se répéter en face à face avec le sax, laissant la place à un solo de batterie tempétueux.
Nous sommes ballotés entre formules mélodiques transposées, relativement stables, et déformations du son qui font ressentir que tout se déglingue ; le malaise est bien présent, et pourtant cette musique nous hypnotise, nous happe dès les premières mesures dans un maelström auquel on s’abandonne sans résister jusqu’aux dernières vibrations de la toute dernière note du concert.
Quelle meilleure conclusion possible pour ce jeune festival à la programmation audacieuse et de très haut niveau ?
Le prochaine édition se prépare déjà.