24/11/2023 – Yom « Celebration duo » à l’Opera Underground

24/11/2023 – Yom « Celebration duo » à l’Opera Underground

La prière de Yom

C’était décidément la semaine de la clarinette à l’Opéra Underground, avec Louis Sclavis mercredi et Yom vendredi et samedi. Deux mélodistes de l’instrument mais d’un style fort différent avec deux projets bien distincts.

Yom est un artiste rare, très engagé dans son instrument, affichant une énergie folle dans le jeu, toujours à la recherche de sons. Sa technique est époustouflante mais toujours au service d’un propos captivant et marquant. Je me souviens de la première fois ou je l’ai entendu, c’était à feu Fort en Jazz le 10  juin 2011, il débutait et assurait avec The Wonder Rabbis la première partie d’Erik Truffaz. Il répétait sans arrêt dans les loges à l’image d’un Coltrane de la clarinette. Il avait chipé la vedette ce soir-là au suisse à la trompette qui avait fait grise mine et en était resté tout courroucé… Yom avait littéralement embrasé lIris !

Le revoir plus d’une décennie après n’était pas sans me ravir. Son nouveau projet en duo avec le pianiste Léo Jassef également complice de son nouveau disque Alone in the light (deuxième album enregistré ensemble) est proposé sur la scène de l’Opéra Underground  lors de deux soirées consécutives. Le dispositif retenu est un concert joué sans micro, et les photographes présents d’être repoussés vers le fond de la salle, victimes collatérales de ce concert par ailleurs plein de ferveur spirituelle. Le duo s’empare de la salle pour un morceau unique sans pause, ce qui est une prouesse au vu de leur engagement musical total et de l’énergie déployée. Le propos est tantôt intime et sensible, tantôt plein de furie, on se prend à penser à un Love suprême, prière méditative mais « agnostique » selon Yom, qui dans sa présentation expose la proposition artistique d’un « voyage intersidéral à travers notre propre esprit ». Le public n’est pas déçu (sauf par l’éclairage minimaliste qui fait seulement parfois entrevoir les deux musiciens tapis dans l’ombre…), les deux interprètes au sommet de leur art sont à la manœuvre affichant douceur et sensibilité, parfois dans le grondement du monde, alternant rencontre avec les ancêtres et les esprits, à ce peuple invisible qui peuple chaque être vivant…Léo Jassef tout en verticalité, fait parfois penser à un pantin désarticulé sur son clavier, prenant le relais de son comparse ou l’inverse, mais toujours avec un à propos étonnant qui rend ce duo si empreint de dialogues et d’interactions. Du côté de Yom c’est « 50 nuances de clarinette » : quelle palette de sons et de souffles, quelle force alternant avec une extrême douceur ! Parfois un soupçon de Klezmer -qui est sa marque de fabrique- perce et ricoche sur d’autres esthétiques. Une heure durant le public frissonne sur cette ferveur musicale, communiant dans la pénombre avec les deux artistes au somment d’une inspiration cosmique. Yom reprend la parole pour annoncer le rappel, « une courte prière pour la paix »  qu’ils aiment bien jouer ces derniers temps. Et d’ajouter, résigné, « sans penser que cela va avoir du poids sur les événements actuels… ».

Ah si le chaos du monde pouvait un peu s’imprégner de la paix et de la sensibilité de cette soirée, la planète ne s’en porterait que mieux à coup sûr !

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