Nous entrons dans la salle Plissonnier. Au centre, tête-bêche sont placés là les deux pianos Steinway & Sons, et tout autour le public. C’est une belle ambiance, apaisée, dans un esprit « concert à la maison ».
Pour ce soir, c’est pari gagné, François Ghani, le président de Jazz en Bièvre, se dit éberlué devant une telle affluence. Il a un temps de remerciement pour les partenaires, les élus ; Jazz en Bièvre concourt à la notoriété de la Bièvre. Avec une émotion palpable, il évoque Philippe Porcher, trop tôt parti ce 9 janvier, son immense culture jazz et ses enregistrements d’émissions de radio.
Et il est temps, Ray Lema et Laurent de Wilde entrent dans la salle, saluent et s’installent. Entourés à 360 degrés, la conversation à deux claviers débute avec un blues, inspiré de rythmes du Sahel, de l’Afrique de l’Ouest et des USA bien sûr. Le tapis sous chaque siège pour capter les vibrations sera inutile… Good Vibes!
Laurent de Wilde est très mobile, Ray Lema plus tranquille, leur duo, tout en digressions subtiles, est d’une complicité intense.
lls se définissent partenaires du tempo, du rythme de leurs pianos, de leurs vies, du temps et de l’horloge aussi, «Partners In Crime – Partners In Time».
Puis, c’est un hommage à Fellah Kuti : Human come first. Laurent de Wilde frotte les cordes de son piano à la main, on retrouve ce beat, les frissons revenus de cette grande époque. Ray Lema joue tranquille, la lumière de la salle baisse, c’est terriblement intime. Ray est peu expressif, mais subtile est sa musique. La qualité et la justesse de son rythme renvoient vers son soleil intérieur. Après des applaudissements nourris, ils enchaînent avec un morceau plus classique. Ils le joueront, regards croisés, la transcendance de Ray Lema ? Ce sont deux complices.
Ray joue une partie seul, se fait plaisir en impro. Ce n’est pas un combat mais une danse, un tango nous dira Ray Lema, une harmonie de mouvements pour deux curieux prêts à voir jusqu’où l’amour de la musique peut les emporter.
Leur jeu imbriqué, unique et complémentaire n’est pas une légende. Leur talent est cet échange musical dans une langue commune d’ Afrique, d’Éthiopie et Ailleurs. Abyssinight est le morceau qui enchante, vraiment. Wheels est dans la tradition des rythmes congolais, tempo à six temps, c’est dingue ce répertoire ! Laurent de Wilde bidouille son piano et joue un solo, sonorité kora. Lukablue, c’est aussi le cœur de Ray Lema, une transe blues sur deux accords, façon ragtime avec la chaleur de la Côte d’Ivoire comme l’inimitable Poulet bicyclette.
Tournées vers l’Afrique et le monde, leurs compos ont du sens, de l’émotion. Nous sommes comblés ce soir par un chant de Ray Lema,
Pour finir, ce sera un rappel très appuyé avec un rythme salsa, une sacré sauce cubaine mâtinée Congo, le Saka Salsa. Quel rythme ! Quel son ! Et quelle chance d’être là ce soir pour ce superbe idiome de piano et d’imaginaire ! Respect !