En 2007 l’écrivain Gilles Leroy décrochait le prix Goncourt pour son roman « Alabama Song ». Cette fiction, bien qu’issue de nombreuses recherches, relate la vie tumultueuse de Zelda Sayre plus connue sous le nom de Zelda Fitzgerald, femme et égérie du célèbre écrivain américain Scott Fitzgerald auteur notamment du roman « The Great Gatsby ».
La compagnie Coup de Poker s’est emparé de cette œuvre pour en faire une pièce musicale dont l’intensité et la flamboyance sont à la hauteur de la vie de cette femme oubliée, cannibalisée par son mari, dont il est révélé ici la face cachée.
A la veille de la journée internationale des Femmes, ce spectacle tombe à point nommé, puisqu’il est question ici de maltraitance, de violences conjugales, d’usurpation d’œuvres, de subordination, bref de patriarcat qu’on voudrait d’un autre temps.
Zelda est née en Alabama. Jeune fille dans les années 20, elle est turbulente, dévergondée, brûlant la vie par tous les bouts : danse, jazz, cigarettes, hommes. Sa rencontre avec Scott Fitzgerald, déclenche une passion amoureuse et une vie trépidante qui, au final, lui sera fatale.
Zelda a dû lutter toute sa vie pour exister, à l’ombre de cet homme alcoolique, autoritaire, jaloux, possessif, qui l’a vampirisée, s’inspirant de sa personnalité et pillant ses journaux intimes pour ses propres écrits.
Déjà fragile psychologiquement, elle fit de nombreux séjours en hôpitaux psychiatriques, parfois imposés par Scott. C’est d’ailleurs dans l’incendie d’un de ces hôpitaux qu’elle mourra brûlée vive.
De cette vie agitée, de ces personnalités hors du commun, Coup de Poker en a fait un spectacle incandescent, entre théâtre, danse et musique. Le parti pris scénographique donne le vertige avec cette piste de danse circulaire, sur et au milieu de laquelle les musiciens et l’actrice donne corps à cette folie.
La comédienne Lola Naymark, au monologue infini, accomplit une performance époustouflante avec son corps constamment en mouvement et son visage grimaçant au gré des émotions éprouvées. L’éclairage et la musique participent de l’histoire, ponctuant les paroles de morceaux de jazz haletants, de sons stridents, de bruits sourds ou de morceaux mélodieux et doux, oscillant entre vivacité du présent et souvenirs évoqués depuis l’asile d’où elle raconte son histoire.
Les musiciens incarnent également des personnages. Valentin Martel le batteur devient ce Scott Fitzgerald toujours une flasque dans sa poche de veste. Pierre-Marie Braye-Weppe est un violoniste guitariste et psychiatre et Louis Caratini le pianiste se transforme en de multiples prétendants.
La musique, et particulièrement le jazz, sont ici au service d’un texte, avec lequel une symbiose s’établit pour appuyer le rythme, l’intensité des émotions, les ruptures, la vie de lutte de cette femme qui voulait être reconnue pour ce qu’elle était.
A la Compagnie Coup de poker, qui donnait hier sa dernière représentation, je dirai Coup de chapeau !
[NdlR : L’équipe de Jazz-Rhone-Alpes.com présente à l’Odyssée ce soir tient à remercier le personnel de la salle pour la gentillesse et la qualité de son accueil, « C’est de plus en plus rare. »]