On le connait pour ses collaborations avec Gaël Faye ou Ben Mazué et Grand corps malade, mais c’est une autre face de son monde musical que nous propose Guillaume Poncelet pianiste autodidacte dans le cadre du Voiron Jazz festival 2024.
Sur scène un piano droit électroniquement « trafiqué » et un piano à queue à son équerre. Guillaume a choisi de se montrer de dos au public, peut être subliminalement pour accentuer l’autre face de son coté bicéphale. A ses côtés, le cockpit électro de Nathanaël Mével.
Il commence par une musique délicate et subtile en piano droit solo. Décor de lumière de lampe orange et de lampions bleus, dans un noir profond. En fait une sorte de ciel, lumière de l’univers. Il crée un mood aérien…..on aurait tendance à lever les yeux vers le ciel à défaut de les fermer sous l’emprise de ce premier morceau qui tend à nous démonter le pouvoir de l’oubli. C’est un mélodiste natif d’Echirolles, point commun avec son illustre coreligionnaire du lieu. Est-ce du jazz ? Il se rapproche des solos pianistiques de Chilly Gonzales, mais sans le coté démonstratif et imposant de celui-ci. J’oserais le classifier dans la catégorie d’un jazz poétique. Souvent on peut déclamer un poème comme du jazz, lui c’est du jazz qu’il décline en poème.
Lui succède Patricia (le prénom de sa maman). Ce morceau lui est dédié. Une musique très figurative empreinte de rêve et de nostalgie sentimentale à la fois. Un point commun avec le Patricia d’Art Pepper, de facture certes différente mais qui dans leur sensibilité se ressemble.
Retour à la terre avec Mycélium. Il nous dévoile le ferment de ses inspirations forestières que lui communique la nature nourricière. On imagine le vent se lever, apport de l’électro, la musique se renforce dans son emphase mélodique, puis se calme telle une météo musicale. La moitié de la set-list de ce soir provient de son dernier opus Durango paru en septembre dernier. Tous ses titres évoquent la nature. Après la Valse Nocturne viennent les Morning Roots (les racines du matin). Les lumières bleues de l’aube, moment en suspension que même les oiseaux n’osent trahir. On se sent en apesanteur, source de sa philosophie personnelle, mais totalement abordable. Le public est presque pétrifié de torpeur épanouie par cette musique aérienne et ensorcelante. Spleen romantique de l’eau qui ruisselle. Ponctuation de l’électro accompagnant ce réveil, tel un gargarisme venu des cieux provoqué par les dieux assoiffés de lumière, venant perturber les images de la rosée du matin calme. Issu de ce matin calme, Yaki Imo qui nous fait abandonner le côté diaphane de la journée naissante, pour un tournis dansant à la manière des derviches soufis. Un détour par Peyo le cheval guérisseur des âmes en peine.
L’électro apporte les bruits de la nature et du vent, la réverbération des échos, une présence céleste et vibrante, une ponctuation non pesante en points de suspension du temps qui passe. Tel L’autre Soi, après le Brain Freeze du public, le Souls nous réconcilie avec l’horloge du temps. Temps du rappel, et le public respire de cette pérégrination céleste, un petit moment d’éternité. Merci Guillaume et Nathanael pour ce voyage initiatique.
- Guillaume Poncelet : pianos
- Nathanaël Mével : cockpit électro
[NdlR : on se souvient aussi de Guillaume Poncelet alors trompettiste et aux machines aux côtés d’Alfio Origlio il y a une bonne dizaine d’années]