C’est le tromboniste Robinson Khoury qui animait,à la tête de son quintet, la soirée du 4 mai 2024 à l’Espace Tonkin, une soirée étiquetée « jazz actuel », un qualificatif dont je n’avais pas mesuré à priori la signification précise.
En effet, avec Pierre Tereygeol à la guitare et à la voix ; Mark Priore au piano ; Alexandre Perrot (qui remplace Étienne Renard) à la contrebasse et Elie Martin-Charrière à la batterie et deux ans après le coup d’éclat de « Frame of Mind », carte de visite en forme de melting pot de styles et d’influences, le tromboniste nous présentait son dernier album « Broken Lines » dont le nom est pourtant assez révélateur.
Je connaissait bien sûr JJ Johnson que j’avais particulièrement apprécié avec Miles Davis, Jack Tegarden, Curtis Fuller mais ce jeune tromboniste s’imposant de façon impromptue dans le paysage du jazz français se révèle déjà comme un supersoliste, bien décidé à déstabiliser l’auditeur avec son attitude volontiers blagueuse, celle du timide qui se jette à l’eau et me paraît s’inscrire plutôt dans la démarche de Christian Lindberg qui se distingue particulièrement par sa manière d’élargir le répertoire de la musique contemporaine pour trombone.
Avec son groupe, Robinson Khoury brouille les pistes et entraine l’auditeur dans un labyrinthe ou il perd ses repères, confronté à des élaborations mathématiques incroyables, jeux de Rubik’s Cube fascinants à pister jusque dans l’éventuel chaos surréaliste qu’il provoque, à la tête d’un quintet complice, interactif, composé d’amis du même âge, le tromboniste de vingt neuf ans y explore de nouvelles facettes expressives et allume de réjouissantes flambées expressionnistes, inspiré par les pionniers de la peinture abstraite, de Picasso à Kandinsky en passant par Miro, Delaunay ou Yves Klein, faites de changements de rythme, sautes d’humeur, jeux de contrastes, variations d’intensité, collections de timbres et d’alliages sonores inédits. Il y a dans son jeu et toute sa musique un emballement lyrique magnifiquement maîtrisé, forcément contagieux.
Incontestablement doté d’un fort bagage technique tout à la fois classique et jazz, le tromboniste d’origine viennoise (Isère) parvient à nous surprendre agréablement à chaque séquence, avec sa propre voix aussi comme dans Earth and space ou encore avec les climats et les sonorités toutes particulières qu’il arrive à produire.
A n’en pas douter, c’est d’une vraie signature dont on parle et il faudra désormais compter avec ce jeune tromboniste inventif et plein de fougue