Ah! nous l’attendions ce concert de Céline Bonacina au festival BatÔjazz, elle qui après moult projets ( « Vue d’en haut« , enregistrés à la Réunion, son île de cœur ou elle résida sept ans, « Way of life », enregistré avec le guitariste Nuyen Lê, « Open heart »/en sextet, « Crystal rain », « Fly fly ») et moult distinctions- entre autre faite Chevalier des Arts et des Lettres pour sa contribution au groupe « Lady all stars » de Rhoda Scott) a dernièrement enregistré « Jump! », un album sur lequel sont invités un musicien canadien (Chris Jennings à la contrebasse) et américains (John Hadfield à la batterie et Rachel Eckroth aux claviers et à la voix).
Ce soir, 22 août, au château de Mécoras à Ruffieux, Céline est accompagnée de Chris Jennings en personne, Yohann Schmidt à la batterie et Grégory Privat au piano et clavier Nord. Et la fusion est remarquable. J’ai même assisté avec bonheur au plaisir que prenaient les musiciens du groupe précédent M’Scheï, à écouter cette musique lumineuse, les chorus éblouissants, les grooves puissants et précis qu’installe le baryton de Céline Bonacina.
Car il faut bien tenir un peu le lyrisme en lisière, l’émotion toujours sous-jacente, et qui effleure parfois dans un thème comme Lost in translation, de John Hadfield ou Céline, en pantalon doré et pull noir chante avec Gregory, avant de lancer au saxophone un de ces phrasés dynamique, décalé, groovy à souhait, comme elle en a le secret et la maîtrise. Le thème est exposé sur le fond d’une rythmique lumineuse, avant que ne se déploie un chorus de basse où le lyrisme explose. Au piano, Grégory nous donne un avant-goût des chorus qui vont suivre, échevelés, remplis de grâce et de virtuosité, de lumière surtout ! Dans « A light somewhere », La puissance des phrasés et du rythme déploie ses effets, avant que Hope, une balade riche en émotion, ne propose sa beauté.
Chris Jennings introduit son thème Deevilla street (qui nous dira le secret de cette rue ?) en jouant sur des modes enchanteurs avant que le piano ne poursuive cette recherche de la beauté, et que le quartet ne propose un thème splendide, avec un changement de tempo captivant et des gimmicks solides et acrobatiques. Au piano Grégory propose un des magnifiques chorus dont il a la science, qui tourne à la frénésie, avant que le baryton de Céline n’installe une allure sereine, quasi hiératique. Et les gimmicks reprennent la parole suivis d’un chorus de sax à la progression passionnante.
Poussière d’étoile (un thème de Céline) fait entendre des passages du grave à l’aigu, des envolées de la terre au ciel avec retour de la lumière céleste sur notre Mater dolorosa. Interlude coloré, construit, charpenté. Phrasé éblouissant suivi d’effets bruitesques (claquement du bec, cris de la anche, souffle de la joueuse, instaurant une parade rythmique très applaudie. Chorus de baryton quasi « free » enchainé avec Trap. Si nous avons bien suivi, c’est dans « Go » de Rachel Eckroth, que Gregory propose en introduction des harmonies surprenantes et somptueuses, lumineuses. Et le thème offre encore cette rythmique dansante qui nous enchante. propose un rythme qui se complexifie, le retour à une pulsation élémentaire traversée de heurts et de décalages…
Bien sûr, le public est conquis, enthousiaste et réclame un rappel. En bis, Céline propose un thème un hymne à sa chère île de la Réunion, My island far away« , où Grégory va pouvoir faire entendre la puissance déliée de son jeu, la finesse tout en profondeur de sa frappe, et (après un chorus de contrebasse, doublé de synthétiseur, par la magie des boites à son), proposer un chorus éblouissant.
Il me semble que le maître mot de cette musique est la lumière émouvante qui se dégage des chorus des gimmicks groovy au baryton, de la grâce émouvante des thèmes parfois simples comme une épure. Les titres des thèmes l’indiquent assez
Bref, il y a du spirituel dans cette musique. C’est la marque des plus grands.