TEMIME + BEX + GOUBERT + ASBA = BONHEUR !
Il y a des concerts qu’on s’en voudrait de louper… Celui du Trio d’Olivier Témime, saxophoniste ténor émérite au Hot Club de Lyon fait assurément partie de ceux-là. Et pourtant, le public de la rue Lanterne l’a boudé : avec seulement trente cinq veinards présents dans le plus vieux club de jazz d’Europe, il y a du souci à se faire pour la fréquentation de notre musique préférée, mais passons… Les absents ont toujours tort !
Ce soir particulièrement. L’affiche de ces trois maîtres du jazz français était déjà des plus alléchantes, mais elle a été renforcée encore par la présence de l’instrument rutilant sur lequel jouait le batteur Simon Goubert, une ASBA nouvelle génération made in Lyon (mais nous en reparlerons plus bas). Les morceaux joués sont issus pour la plupart du nouveau disque du trio qui doit paraître dans quelques mois, à l’image du premier Koala Sam dédié à Samuel Hubert contrebassiste de jazz disparu à seulement quarante cinq ans en début d’année.
Dès le début, le son puissant du trio, coltranien, forcément coltranien, imprime sa marque, avec le saxophoniste à la coupe iroquoise identifiable, accompagné par la rythmique du mythique groupe BFG, à savoir Emmanuel Bex à l’orgue, et Simon Goubert à la batterie (très marqué par Elvin Jones et Christian Vander puisqu’il a fait partie de l’univers Kobaïen !). Olivier Témime confie qu’il réside en Côte d’Or et le morceau suivant est dédié à son petit voisin de 8 ans, Ethan walk, l’occasion pour Bex de s’illustrer en intro avec orgue et vocodeur, et pour Goubert de chausser les balais qu’il maîtrise à la perfection. Puis les trois enchaînent avec un autre morceau dédié à un autre voisin de Témime (on frémit à l’idée qu’il en dédie un à chacun de ses voisins !), il s’agit rien de moins que le créateur du célèbre club de la rue des Lombard à Paris, « Le Duc des Lombard », et le titre s’appelle Didier Duduc comme le surnom de ce personnage. L’énergie des trois musiciens emporte le Hot dans un souffle modal intense qui fait la part belle aux chorus inspirés. Il est grand temps ensuite d’accueillir une ballade aux sonorités planantes très « BFG », avant de replonger pour terminer ce set dans un chaudron de vitalité qui permet un ping-pong jouissif orgue-batterie.
A l’entracte, juste avant que le trio ne reprenne, Goubert parle au public de la batterie Asba (qui a été une marque innovante en France avec notamment pas mal d’inventions autour du « Hardware », les accessoires de l’instrument, comme la création du pied perche par exemple), sur laquelle il opère ce soir : c’est un événement, puisque c’est le premier exemplaire d’un modèle jazz fabriqué récemment et à quelques kilomètres seulement dans l’atelier de la marque reprise en 2023 par quelques passionnés lyonnais dont le sémillant et sympathique Thomas Millo (présent dans le public du concert ce soir et que l’on est heureux de retrouver), toujours à la pointe en matière d’innovation autour de la batterie, créateur de la chouette marque de vêtement « RLRRLRLL » dont tout batteur amateur ou pro (n’est-ce pas Zaza qui en est un des ambassadeurs ?), qui se respecte possède au moins une pièce dans son dressing (en ce qui me concerne rien moins que 6 tee-shirts et un Daoud !). Ce soir, Goubert qui confie avoir eu comme premier instrument justement une Asba modèle « Daniel Humair 1964», inaugure cette « jazette » conçue spécialement pour le Hot Club, et dieu que ces caisses sonnent du tonnerre : la grosse caisse notamment est une tuerie et les fûts claquent avec dextérité sous les baguettes d’un Goubert plus que ravi. Mais nous aurons l’occasion de reparler dans ces colonnes de la renaissance de cette marque historique, à présent 100% lyonnaise, et de cette jazzette qui promet de cartonner.
Le second set démarre par un thème écrit pour sa compagne par « l’homme de la Mancha », (alias Brel), Aldonza. Le morceau qui suit, Beaching on the beach est entrainant et chaloupé : Bex qui arbore par intermittence ses lunettes noires nous gratifie de mimiques et de gémissements qui feraient craindre pour la santé mentale de tout individu… Mais il assure le show en toute complicité avec ses deux camarades et c’est lui qui imprime un son original et délirant à ce trio.
Goubert introduit magistralement le titre qui prend la suite en faisant crépiter son Asba claire, flambant neuve. Cela débute en modal débridé coltranien pour se terminer en blues.
Pour l’avant dernier thème, ce ne sera pas une composition de Témime et pour cause, puisqu’il s’agit de la composition phare de Monk, Round Midnight esquissée à peine par Bex en intro, et dédiée à Ludwig, le patron du Hot. Délicate attention de ces musiciens pour leur hôte d’un soir. Leur version est magistrale et originale et le public clairsemé mais attentif et passionné, se régale de chaque note (le chorus de l’organiste est un must), jusqu’à la Coda qu’ils ont failli oublier. A la fin Goubert fait crisser une de ses grandes cymbales (qui sont installées très hautes, comme une autre marque de fabrique de son kit), et un échantillon de l’orgue de Bex se libère sans son consentement… fous rires garantis !
En guise de rappel, le trio qui a tout donné (dixit le saxophoniste), part sur un tempo rapide, quasi be-bop, dans une intensité et une virtuosité qui ont été les clefs de la soirée… Il se murmure que cette formidable soirée se serait terminée pour le trio chez le patron du Hot autour d’un piano… Mais chut je ne vous ai rien dit !
Line-up :
Olivier Témime: saxophone ; Emmanuel Bex: orgue ; Simon Goubert: batterie