Le Rhinojazz(s) a, depuis longtemps, ses habitudes à Villars. Le concert organisé ce 16 octobre aurait donc dû se dérouler en l’église mais, « par un malheureux concours de circonstances », cela n’a pas pu se faire. C’est à la médiathèque que le public s’est alors rendu pour écouter le guitariste et compositeur Marcel Powell. La proximité des livres a-t-elle fait fuir les mélomanes ? En tout cas, la petite, mais très chouette salle de repli n’a accueilli que peu de personnes. Quel dommage ! Enfin, tant pis pour elles. Car, dans ce que Jean-Paul Chazalon, le créateur du festival, a appelé un « petit salon de musique », on a assisté à de la musique de chambre brésilienne. Vive les privilèges !
Alors oui, puisque c’est évident, Marcel Powell est le fils de l’immense Baden. Mais qui peut croire qu’il aurait publié onze albums sous son propre nom s’il n’était que le fils de ? C’est en solo, sûr de sa virtuosité et fier de son ascendance qu’il s’est produit mercredi. Marcel, né à Paris en 1982, parle français naturellement. Normal, puisque c’est sa langue de naissance. Entre chaque morceau, c’est donc en français qu’il a dévoilé les pans d’intimité des titres qu’il jouait, avec des anecdotes parfois drôles, toujours touchantes.
Mais, pour le son, c’est une affaire réglée, il s’en exsude des senteurs dorées au soleil carioca. Évidemment. Le voilà qui entre sur scène, à un souffle du public. Avant même qu’il ne joue, sa présence envahit l’espace. Il est seul ? Allons donc, d’invisibles invités l’entourent. Son père d’abord, qui fut son prof « un peu sévère et rigoureux » pendant dix ans et jusqu’à sa mort en l’an 2000. Puis ses propres mentors, qui vont élargir son Brésil, tant en jazz (Michel Legrand, Michel Petrucciani) qu’en classique (Chopin)… Lors de cette soirée, il a joué surtout les titres de son dernier album, « Horizon » (label MognoMusic), publié en décembre 2022 et dont le titre vient d’un morceau éponyme enregistré par Baden dans les années 70 (la tournée de promotion commençait d’ailleurs ce 16 octobre). Il y a ajouté certains morceaux de Sò Baden », son précédent opus. Dans les deux cas, il s’agit de rendre hommage à son mythique guitariste de père, dont les liens avec la France furent très forts, notamment à partir des années 60. Hommage ? Oui, parce que création. Marcel a réarrangé de façon personnelle et inspirée de nombreuses compositions paternelles de légende. Peu importent les titres (ils sont sur les cd et les acheter, ce sont les trouver !). Il faut retenir l’intensité du dialogue musicien-guitare, la sérénité qui se dégage de notes perlées, expressives, pétries de rythmes brûlants, mais au lyrisme toujours délicat. On doit remercier pour ce qui ressemble à une confidence, on ne peut qu’acclamer l’incroyable virtuosité. Comment peut-on caresser des notes en même temps qu’on les joue au scalpel ? N’oublions pas, pour finir, le clin d’œil à Nougaro, les quelques airs chantés d’une voix aussi douce que chaloupée. Bref, c’était un moment de grâce, le Brésil sans les paillettes, une authentique musique, une transmission à la fois perso et universelle.