14/11/2024 – Colors Gang Quintet au Jazz Club de Grenoble

14/11/2024 – Colors Gang Quintet au Jazz Club de Grenoble

C’est devant une salle portée au maximum de ses capacités d’accueil que s’est présentée cette toute nouvelle formation. Bernard Otternaud, compositeur et passionné par l’harmonisation qu’il explore au piano, est bien connu sur la scène jazzistique grenobloise. Il s’est entouré de quatre jeunes musiciens, talentueux et prometteurs. A la flûte, Sophie Rodriguez, au sax soprano, Béryl Benveniste (elle aussi grenobloise), à la batterie Adrien Bernet et à la basse électrique (six cordes) Pablo Contreras, originaire pour sa part du…Chili !

 Si l’on parle parfois de jazz « fusion », ici je parlerais plutôt d’alliage, d’alliage de personnalités, de styles et de sons. En effet, ces jeunes musiciens, à la culture musicale différente de celle de Bernard Otternaud, se sont emparés de ses compositions. A ses thèmes, délicatement construits et harmonisés, aux influences subtiles de jazz, le « gang des quatre » a rajouté une autre dimension, alternant les passages oniriques avec des moments de puissante liberté. Pour notre plus grand plaisir, Colors Gang Quintet nous a offert une belle et large palette de couleurs, parfaite illustration de la phrase citée par Bernard Otternaud au début du concert :

« Quand l’œil écoute, l’oreille devient impressionniste ».

Les compositions de Bernard posent un regard doux et amoureux sur la nature et la vie. Ainsi, dans Tortue Luth (dédié à Paul Watson, le leader de Sea Shepherd), Béryl par son jeu libre et rebelle, aux échappées atonales, nous fait ressentir la liberté totale de cet extraordinaire animal dans l’immensité des océans. Liberté toujours, comme dans…Free, mais liberté très « cadrée » par un rythme ternaire et des harmonies complexes, dont Béryl n’hésite pas à s’affranchir ! Plus tard, Adrien évoque parfaitement les rythmes profonds et riches des tambours africains (source du jazz !) et nous emmène, ainsi que ses compagnons, sur les traces de Totibo…in Africa. Nature encore dans Bees, qui voit s’envoler l’essaim fougueux des soufflantes du groupe. Mais Bernard le philosophe ne nous oublie pas, nous, simples humains. Il nous voit nous perdre (ou nous chercher ?) sur un Chemin sans Chemin, qui ondule et module, qui hésite au gré de rythmes complexes. Mais, nous aimons danser, aussi, comme sur ce Traboule Blues au swing si bien posé qu’il pousse Sophie à danser sur son propre chorus, suivi d’une superbe démonstration de Pablo, qui fait aussi danser sa basse, tous deux étant poussés par un Adrien survolté ! Un Peu Après (bien que joué avant), nous ramène à une atmosphère délicieusement langoureuse, qui laisse chacun imaginer à sa guise l’avant de cet après. Quant à Ce Qui Reste (joué en réalité en tout premier), il nous permet de suivre Bernard dans un chorus subtil, aux touches délicatement jazzy, de même que de goûter l’assemblage de la flûte et du soprano, alliage improbable, mais réussi, magnifié par l’usage, toujours maîtrisé, des pédales d’effets. Dans Roy Lydien, la même maîtrise nous installe dans un fort agréable moment onirique.

Sans surprise, le public demandera un bis qui donnera l’occasion à Sophie de nous emmener jusque dans l’Orient mystérieux sur son Souffle…de Perse.

En conclusion, ce fut une très belle soirée, qui aura su montrer, une fois de plus, que le jazz, aussi multiple qu’il soit, sait faire l’alliance des sons, des styles et des générations. Bravo à tous les cinq  !

 

[NdlR : bienvenue à Jacques Lockwood qui signe ici sa première chronique pour Jazz-Rhoe-Alpes;com]

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