Après les présentations d’usage dans une salle bien remplie, le trio de Rhoda Scott prend possession de la scène et donne le « la » avec une introduction très musclée et swinguante.
D’entrée de jeu nous sommes emballés par l’éternel dynamisme et la grâce de cette musicienne qui est probablement l’ainée de la salle. Elle est transfigurée une fois assise devant son orgue Hammond B3 et elle rayonne.
La guitare de Nicolas Peslier et la batterie de Thomas Derouineau se mettent immédiatement au service de l’organiste aux pieds nus. Elle retrouve un instrument qu’elle qualifie de « vintage … comme moi »
Rhoda Scott nous dit son plaisir de se retrouver à « Vienne » (NdlR: c’est juste de l’autre côté des baies vitrées et du Rhône), elle qui est venue dès 19xx dans cet auguste festival et fait vraiment partie de son histoire. Ici, il s’agit d’une autre histoire, celle d’un club qui essaie de se construire.
D’après les dires du maire de Sainte Colombe, ce club aurait trouvé ici un nouvel asile et il est le bienvenu. À suivre….
Alors le concert se poursuit avec Stolen sweets composé par un organiste dont le nom nous a échappé.
On continue à sortir du disque sorti cet été avec une reprise de Michel Legrand.
Angel Eyes est le premier morceau du tout nouvel album « Fly me to the moon » enregistré à Eaubonne en 2024 et tout frais.
Rhoda nous présente un titre d’Horace Silver qu’elle avoue n’avoir découvert que récemment alors qu’il date de 1956 (comme quoi !) The Hippest Cat In Hollywood (Attention, ne pas traduire littéralement !). Encore une pièce d’orfèvrerie musicale. Le trio se complète à merveille. Et, même si les trois n’ont pas rejoué ensemble depuis Eaubonne, on les sent à l’aise et en connivence.
Afin de mettre en avant Nicolas Peslier, le trio entame un Greensleeves énergique et au rythme changeant qui passe par un air de valse (!).
On fait une petite pause histoire d’occuper un bar vite débordé. Et le set reprend sur un Stormy weather bien enjoué. Du genre qui file la banane.
C’est la période, alors, nous avons droit à un Christmas Song (de Mel Tormé) très « Churchy ».
Avec The groove merchant de Tad Jones, le trio continue d’explorer de nouveaux sillons, mais toujours sous l’emprise du swing.
Ce nouveau « premier » concert à la Verrière est un succès : un public qui a bien répondu présent, une sonorisation légère mais efficace (pas de micro sur la batterie, deux cabines Leslie pour l’orgue et des colonnes de part et d’autre de la scène pour la guitare et le micro d’annonces) et un trio attachant. Que demander de mieux ?
Et comme nous sommes dans le jazz, on se doit de sacrifier à la tradition et un jeune trompettiste du cru, Noé Vignola, vient « bœuffer » avec le trio sur un morceau.
Sur le morceau suivant, Thomas Derouineau nous propose un long et très bien construit solo de batterie qui recueille tous les suffrages.
Rappel, il y aura évidemment. Et cela sera sur un Summertime très lascif. Parfait pour permettre à la guitare de briller, suivra un autre tube de la même veine, Misty.
Je laisse la conclusion à mon voisin :
« Dans un décor épuré sur fond bleu, le trio de Rhoda Scott nous renvoie à ces titres mille fois écoutés, mais pour lesquels nous éprouvons un plaisir délicieux à réentendre. Sans âge, comme Rhoda, qui joue avec un plaisir non dissimulé tous ces standard , le jazz n’a pas d’âge, pas de carbone 14 pour retrouver l’origine de tel ou tel morceau.
Les yeux malicieux, pleins de rêve comme les enfants devant leurs premiers sapins, Rhoda joue et sourit, tout à son plaisir d’être là comme si c’était son premier concert.
Émerveillement, transmission dans la tradition et cet orgue « vintage », comme elle, vibre »
Pas mieux !