Accrochez-vous à vos sièges, cinéphiles et mélomanes ! Le duo infernal Blanchard-Imbert a débarqué à l’AmphiOpéra pour une « concérence » détonante, mélange explosif de concert, de conférence et d’errance musicale.
Imaginez un peu : Pierre-François Blanchard, maître du clavier, et Raphaël Imbert, saxophoniste virtuose et roi de la tchatche, ont investi cette salle unique, visiblement ravis de jouer les trouble-fêtes.
Dès les premières notes, le public est transporté à la Nouvelle-Orléans avec une interprétation endiablée de Blue Skies composée en 1926 par Irving Berlin et reprise dans le film « La mélodie du bonheur » (1946) . Puis un morceau historique, puisqu’il s’agit du premier titre à avoir bénéficié du son synchronisé au cinéma ! Avec en vedette Al Johnson pour le « Chanteur de Jazz » (1927), premier film non-muet !
Et comme si ça ne suffisait pas, Raphaël Imbert, véritable puits de science musicale, nous embarque dans un voyage à travers l’histoire du jazz et de la musique de film. Clint Eastwood, qui affirmait que les États-Unis n’avaient inventé que deux formes d’art, le jazz et le western, serait fier de lui !
Impossible de ne pas évoquer Miles Davis et sa B.O. improvisée pour « Ascenseur pour l’échafaud » (1958). Un hommage vibrant à ce génie du jazz et à ses complices de l’époque : René Urtreger, Kenny Clarke, Barney Wilen et Pierre Michelot.
S’ensuit un savoureux mélange de Carlotta’s Portrait de Bernard Herrmann (Vertigo, d’Hitchcock, 1958) et de la musique de Miles, où la profondeur du piano répond aux envolées lyriques du saxophone. Un contraste saisissant qui donne le frisson !
Le duo revisite ensuite Un homme et une femme de Francis Lai (1966) avec une élégance rare. Et bien sûr, le public, conquis, reprend en chœur le refrain de ce classique du cinéma français.
Place au ragtime avec le célèbre Maple Leaf Rag de Scott Joplin, suivi de la composition finale de River of no return de Lionel Newman (1964). Surprise : Raphaël Imbert termine le morceau en jouant avec son seul bec !
L’aventure se poursuit avec un autre ragtime, You’ve got a friend in me de Randy Newman (pour « Toy Story », 1995), qui sert de tremplin à une improvisation de saxophone époustouflante.
Après un détour par l’univers onirique de Miyazaki (« Le voyage de Chihiro », 2001), le duo s’attaque à la musique d’ « Alexandre Nevski » de Prokofiev. Pierre-François Blanchard suit la partition tandis que Raphaël Imbert improvise avec une liberté déconcertante. On croirait entendre des extraits des « Dents de la mer » (1975) et surtout… du thème de « James Bond » (1962) !
La « concérence » s’achève en apothéose avec un mélange subtil et audacieux de « La scoumoune » de François de Roubaix(1972) et de la musique du « Clan des Siciliens » d’Ennio Morricone (1969).
Pour le final, Raphaël Imbert se met à la voix et nous offre une interprétation touchante des Moulins de mon cœur de Michel Legrand (Oscarisé en 1969), avec une voix douce et enveloppante. Un moment magique !
En rappel, après une anecdote sur Kubrick et son penchant pour la musique classique, le duo conclut en beauté avec Moon River d’Henri Mancini (1961), interprétée par… Richard Robert ! Une surprise de taille qui a ravi l’auditoire.
Bref, une soirée mémorable où le jazz et le cinéma se sont rencontrés pour le plus grand plaisir des spectateurs !
On en redemande : la suite le 16 mai avec « Et le groove dans tout ça ? »