La salle de l’Atrium est comble en ce début de week-end. Laurent Courtois monte sur scène pour présenter brièvement les soirées « A la Santé de Django ! ». Il embraye ensuite sur le spectacle qui va suivre : la célébration du centenaire de la naissance d’Aznavour (à un mois près : 1924-2024) par le Trio Play Piano Play : Valery Fiodorov au piano, Laurent Chofflet à la batterie et lui-même à la contrebasse. Au chant, Thierry Bayle, le cuisinier en-chanteur du restaurant grenoblois Les Arcades (qui officie à la fois aux fourneaux et sur scène).
Le récital commence : Thierry Bayle arrive sur scène depuis le fond de la salle, il ne chante pas tout de suite, il nous parle d’Aznavour, de sa jeunesse, de son obsession pour la fuite du temps et il entame la première chanson en s’adressant au grand Charles : Hier encore, il avait vingt ans.
Le spectacle va se poursuivre sur le même élan : Thierry Bayle relate la vie du plus arménien de nos chanteurs français : ses déambulations dans les clubs de jazz, « pour y faire des jams », ses multiples histoires d’amour et son cœur volage (J’ai perdu la tête : eh non, ce n’est pas seulement un titre de Dany Brillant). Il nous remémore aussi la rencontre d’Aznavour avec le pianiste Pierre Roche et leur partenariat qui les a emmenés de Paris jusqu’au Québec (le film récent de Grand Corps Malade et Mehdi Idir rend très bien compte de cette période). Les musiciens sont excellents, on a vraiment l’impression d’être transporté directement dans un club new-yorkais et d’assister à un récital de Scott Joplin.
Un des points d’orgue de la soirée ? L’interprétation de La Mamma, qui commence tout doucement par une contrebasse qui donne le rythme, un peu comme une horloge. Le piano, au début très mélancolique, se met progressivement à virevolter et la chanson se termine dans un tourbillon de joie et de musique. Le public en a des frissons et applaudit à tout rompre. Thierry Bayle est incroyable : non seulement il interprète les chansons du grand Charles, mais il les joue et il les VIT. Parfois, il chante, parfois, il dit les textes en les parlant pour redonner aux mots dépourvus de mélodie toute leur saveur et toute leur force. Aznavour est quelqu’un qui a compté et compte encore dans sa vie et cela se ressent. Thierry parle avec Charles, Thierry parle de Charles, il transmet son œuvre et lui rend le plus beau des hommages.
Après une petite pause dédiée à Errol Garner (les deux Laurent(s) nous interprètent avec talent Play, piano, Play et Mambo Carmel), le récital s’achemine vers son terme. Le public pourra ainsi écouter d’autres titres connus : J’me voyais déjà (Thierry mime à merveille le chanteur qui rêve à sa gloire future et ne se décourage pas), Mourir d’aimer (la bande originale du film éponyme d’André Cayatte, dédiée à Gabrielle Russier), For me formidable (que Thierry dédie au public et interprète en se baladant parmi les spectateurs). Ces derniers ont aussi droit à une version originale de Tu t’laisses aller qui s’adresse, non pas à une femme, mais aux trois musiciens (très beau solo de contrebasse sur ce titre). Il est impossible de tout évoquer mais on n’oubliera pas non plus une version très sensible de Comme ils disent, vibrant plaidoyer contre l’intolérance, la bêtise et l’ignorance ; ni les indémodables La Bohème et Emmenez-moi.
Le spectacle se termine avec deux rappels et une véritable ovation aux quatre artistes. Le public quitte la salle, persuadé d’avoir vécu une soirée exceptionnelle et d’avoir trouvé, dans la musique et la chanson, un remède à bien des maux !
« Quand tu es abattu, que certains soirs
Tu es emprisonné par ton cafard
Décroche un instrument, viens vite nous voir
Allez, prends le chorus
(…)
Tu oublieras tout et pris par l’ambiance
Tous tes ennuis perdront leur importance
Fais comme ça et tu verras
Le rythme t’offrira d’autres idées
Et te délivrera de tes pensées
Laisse tomber le reste et pour balancer
Allez, prends le chorus
(…)
Tu ressentiras un bien fantastique
Et trouveras la paix par la musique
Et tu comprendras que l’on n’a
Pas besoin de discours ni de grands mots
Le jazz est un remède à bien des maux
Si rien ne va pour toi, c’est-ce qu’il te faut
Allez, prends le chorus »
Extrait de « Prends le chorus », paroles et musique de Charles Aznavour