
Un BIG BAND ! Cela devient rare ! Sacré challenge, en effet, de réunir régulièrement dix-sept musiciens, tous fort occupés dans leurs vies professionnelles et familiales. Et quand, de surcroit, les formidables animateurs de cet ensemble lui font interpréter une musique riche et complexe, on prend conscience du niveau musical et de l’engagement de tous pour produire un tel résultat.
D’emblée, il convient de saluer les superbes arrangements que nous ont proposés Muriel De Luca, Lenni Torgue, Thomas Montbert et Benjamin Astier. Les trois premiers sont membres du Big Band, respectivement au piano/voix, à la batterie/direction et au sax alto/clarinette basse. Benjamin Astier dirige pour sa part le Neuville Jazz Orchestra (Lyon).
Leur programme est établi sur des musiques de films, dont les compositeurs sont souvent injustement oubliés des spectateurs, mais dont la musique reste gravée dans les mémoires et fait ressurgir des images dès les premières notes. Succès assuré donc ? À une nuance près, qui a son importance : ces thèmes ont été profondément retravaillés, mélangés voire « métissés », jazzifiés au besoin, mais à chaque fois harmonisés de façon riche, complexe et subtile tout à la fois. Et cela donne une musique très exigeante au service de laquelle les musiciens mettent leur talent, sous la direction conjointe de Lenni, Thomas et Muriel. Quelle précision, quel ensemble, quelle harmonie dans la prestation de ce Big Band ! Voilà bien le fruit d’un superbe travail de chacun et de tous : chapeau !
Bien sûr, tout cela ne peut se faire sans une grande concentration, peut-être un peu loin de l’image détendue et joueuse que le public a parfois du jazz. Et de fait, on sent parfois chez les musiciens un sérieux (nécessaire !), qui rappelle celui des orchestres classiques, mais après que les deux premiers titres sont bien passés on voit quelques ondulations animer les musiciens sous le swing joliment chaloupé du Château (justement) ambulant de Nausicâa. Beau chorus de Guillaume Mostafa sur ce thème, faisant suite à celui de César Chaussinand au baryton dans le titre d’ouverture.
A chaque fois, le thème est retravaillé en profondeur, les rythmes sont variés, les influences parfois étonnantes : ainsi Harry Potter, se trouve un instant transporté par magie à Rio, pour vite revenir vers Poudlard et ses amis musiciens, comme lui armés de baguettes de sorciers. Car le Big Band de l’Ardèche offre plus qu’un concert : de petites mises en scènes et la participation du public apportent un clin d’œil fort bienvenue et accueilli. Ainsi, après l’entre-acte, les musiciens entrent en sifflotant le thème de Twisted Nerve de Bernard Hermann ; à l’évocation musicale de Psycho et de Duke Ellington, on croit même entendre un enregistrement de la voix de Hitchcock.
À noter, deux très agréables chorus sur cette musique de Hermann : celui de Muriel qui est aussi à l’aise au chant (qu’au piano et aux percussions !…- « la femme orchestre ? »-) et de Marie Chevaleyre à la flûte, qui épice un solo gouleyant d’une pointe de Jethro Tull !!
Mais une autre surprise de taille nous attend : c’est West Side Story ce monument, qui se retrouve soulevé, emporté, tantôt ralenti tantôt accéléré, notamment lors du superbe chorus de Vincent Pellerin à la guitare, suivi de ceux de Markus Stuckelberger et d’Albert Caillol. Pas de doute, le grand Bernstein aurait adoubé Bastien Ballaz pour cet arrangement.
La fin du concert approche, et chaque musicien a bien mérité de pouvoir se lâcher un peu sur le superbe medley où une Panthère Rose gambade dans un jardin merveilleux de vin et de roses (the Days of Wine and Roses) .
On se quittera sous le signe de l’amour grâce à l’arrangement de Thomas sur la délicieuse musique de Peau d’Âne de Michel Legrand.
Merci à Salvatore d’avoir invité le Big Band de l’Ardèche, merci aux bénévoles, à Dougie au son, à l’équipe de la vidéo, et bon vent à ce très bel ensemble.
Lenni Torgue: batterie, direction ; Thomas Montibert: sax alto, clarinette basse ; Pierre Tournier: sax alto ; Guillaume Mostafa: sax ténor, clarinette basse ; Cécile Baraban: sax ténor ; César Chaussinand: sax baryton ; Étienne Caillard, Romain Mourez, Markus Stuckelberger, Louise Thevenet: trompettes ; Marie Chevaleyre: trombone basse, flûte ; Albert Caillol, Alain Penet, Emma Portier: trombone ; Muriel De Luca: piano, voix ; Vincent Pellerin: guitare ; Charlie Girerd: contrebasse