
Les groupes Grises et Moustik Haterz sont lauréats du troisième tremplin du festival Jazz au Sommet et un prix spécial jury est attribué au duo formé par Jules Regard et Vincent Forestier.
Voilà décidément une excellente idée que ce tremplin organisé par le festival Jazz au Sommet, qui permet au meilleur de la scène émergente régionale d’être mise en lumière. On en rappelle les bases. Le festival, qui va fêter sa dix-neuvième-edition édition du 4 au 14 septembre prochain (on connaît pour l’instant l’une des têtes d’affiche, Hugh Coltman) se balade allegro sur les cimes du Pilat. Ses bénévoles ont le goût de la découverte et, pour cela, se rapprochent des mêmes orpailleurs de jazz. C’est ainsi que, depuis trois ans, un partenariat s’est noué avec le Solar pour mettre en place un tremplin ouvert aux formations régionales émergentes. C’est dans ce lieu désormais incontournable que se sont déroulées les 26 et 27 février dernier les soirées permettant aux six groupes pré-sélectionnés de s’affronter pacifiquement. Signalons que vingt-sept dossiers avaient été reçus en amont, puis vingt-cinq retenus avant que ces six-là n’entrent en lice. Notons par ailleurs une large majorité de groupes lyonnais (quatre), un groupe grenoblois et un clermontois. Et soyons carrément chauvin: où sont passés les Stéphanois, alors qu’il existe un tel vivier de super musiciens, notamment grâce au travail de Ludovic Murat et de Gagajazz? Mais bon, là n’est pas le propos.
On n’entrera pas dans le détail de chacune des prestations.
Quelques mots pour chacune, cependant. Le 26, c’est le quartet du guitariste lyonnais Leo Geller qui a ouvert les festivités, accompagné par Fanny Bouteiller à la contrebasse, Malo Thiery à la batterie et Gaspard Baradel au saxophone. Déjà venus l’an passé, ils ont joué des compos perso avec une bonne assise rythmique, un son coltranien et des harmonies colorées.
Le duo formé par le tromboniste Jules Regard et le pianiste Vincent Forestier (qui se sont rencontrés au Conservatoire de Lyon en 2019) a pris la suite. Quelle puissance subtile et quelle fragilité sereine animent donc ces deux absolus et jeunes virtuoses, semant parfois des pétales de notes ou créant des sonsonomatopées ?
Dingue, les sensations musicales semblent tactiles, le trombone est aux taquets, il y a de la violence sous la légèreté et une grande classe dans le phrasé.
Dernier groupe de la soirée, c’est le quintet des Pawpaw, formé à Lyon en 2023 et réuni « par un jazz qui mélange toutes les influences qu’on aime ». Gaël Bihr à la guitare, Hénock Kona à la contrebasse, Antoine Perret à la trompette et au bugle, Vivien Verrecchia à la batterie et Malou Strauss au sax, à la clarinette et au chant ont donc allègrement mêlé des rythmes et ambiances afrobeats, jazz ou hip-hop. Pour tout vous dire, ça a pulsé d’entrée, de façon singulière, chouette et créative.
Le lendemain, le bal s’est ouvert avec les Grenoblois du Moustik Haterz Quintet. Trois filles dans le combo, c’est pas commun et c’est justement ce qui ressort de leur set, la rareté ! Lalie Michalon à la batterie, Tevy Pigeon à la basse, Béryl Benveniste au saxo soprano, Esteban Galera au sax alto et Tristan Maurin aux claviers ont envoyé du beau. On a mis le cap sur le grand large, fouettés par des embruns un brin balkaniques, un brin canyons, un brin orientaux, le tout mâtiné d’effluves électro ou d’ambiances urbaines. Pas de cap’tain dans ce beau navire musical, une complicité au top, tout aussi libertaire que rigoureuse. Quel voyage et quelle virtuosité ! C’est bien simple, voilà un groupe à écouter comme un roman.
Ils ont été suivis par Sebtet, un quintet clermontois composé de Sébastien Depeige au bugle et à la trompette, d’Eric Pigeon au sax ténor, de Milan Ollier à la guitare, de Yan Lacroix à la basse et de Jérôme Renaud à la batterie.
Voilà encore d’excellents pourvoyeurs d’émotions, du genre à quêter l’âme de leurs instruments jusqu’au tréfonds pour en faire jaillir des pépites d’un jazz moderne et très inventif. Quelques influences de Monk, du rigolo dans les impros, un p’tit côté soufflé à la Ibrahim Maalouf, ça groove sec au fil d’atmosphères posées sur le fil d’une rythmique impec.
Dernier groupe en lice, il s’agit de Grises, un sextet réuni autour du guitariste et compositeur Adrien Bally. Tous viennent de l’Ecole Nationale de Musique de Villeurbanne et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ont de nombreux fans dans la salle ! C’est normal, leur set multiplie les ambiances créatives. Le thème qui les porte ce soir-là ? C’est l’ivresse des sens dont ils comptent bien enivrer le public. Se succèdent ainsi de belles envolées au chant ou à la flûte traversière, des mélodies harmonieuses tutoyant des sons électro, le tout dans une chaleureuse unité d’ensemble.
Tous les goûts étant dans la nature, le choix s’est avéré difficile pour le jury composé de Karen Borett (Jazz au Sommet), Danièle Cormier (Jazz au Sommet), Olivier Corchia (directeur du Solar), Astrid Boito (GagaJazz) et Jean Cohen (musicien). Mais après une intense délibération, le groupe Grises remporte le prix du Solar (il fera partie de la prochaine programmation du lieu) et le groupe Moustik Haterz le prix Jazz au Sommet (il jouera en première partie de la soirée du 5 septembre lors du prochain festival). Quant à Jules Regard et Vincent Forestier, un prix spécial jury leur a été attribué.