
Karim Bonnardel arrive sur la scène, ôte son bonnet, le remplace par un chapeau « pork pie hat », et saisit un de ses ukulélés, toute petite guitare que nous pensons bien connaître, nous, occidentaux, et que nous attribuons aux « îles » …
Un mot d’intro et deux notes, et l’idée toute faite sur ce petit instrument dégringole immédiatement. Bien sûr le son connu et très particulier est bien reconnaissable. Mais, loin du rythme métronomique habituel, lancinant et répétitif, la ballade nous emporte…en balade -même si avec deux « l » nous allons voler plus haut. Le premier morceau est un rêve, Alham, en trois parties, et le public ne s’y trompe pas. Le silence instantané et étonnant de la salle – où personne n’ose même plus tousser -laisse toute la place à un voyage poétique, comme dans un écrin où l’on tend l’oreille pour mieux profiter du velouté du son.
Une note seule et répétitive fait la transition avec la suite, douce et percussive à la fois.
Mille bravos rompent temporairement la magie.
Karim passera sur trois instruments différents, deux ukulélés*, dont un avec une corde basse, et un « ronroco », charengo « baryton »** plus gros.
La deuxième partie du voyage nous emmène sur l’Altiplano, avec « Leontopodium » – l’edelweiss. La main gauche à l’écart couvre presque la moitié du manche. La dextérité et la sonorité rappellent l’Alhambra et la fraîcheur d’un cloître.
Puis Kiss from a rose de Seal (BO de Batman for ever) arrangé pour l’instrument, Bohemian rhapsody de Queen, Sing sing sing de Luis Prima, arrangés pour ukulélés.
Le geste est élégant, court, les doigts dansent sur le petit instrument avec la maîtrise du guitariste qu’il a été pendant un bon moment. Un plaisir pour les yeux ! Les intermèdes explicatifs sont emplis d’humour, et le public, qui retenait sa respiration, rit avec enthousiasme. C’est l’occasion pour Karim de citer ses maîtres, Jake Shimabukura et Adrien Janiak, l’un américain d’Hawaï, l’autre français.
Le dernier morceau choisi est celui sans doute qui représente pour nous le plus l’instrument, Over the Rainbow tiré du film « Le magicien d’Oz », et connu pour la célèbre version de Iz (Israel Kamakawiwo’ole). Délié, délicat, profond, le rêve nous emmène une dernière fois, entaché du regret que cela doive finir…
* le ukulélé est d’origine portugaise, avec un passage par les Antilles avant de revenir un peu transformé
** le charengo, dont la caisse à l’origine était faite d’une carapace de tatou, maintenant en bois, est originaire d’Argentine