
Pour le second jour de la seconde édition du Festival Récif (du 1er au 5 avril 2025) la programmation se déroule, une fois n’est pas coutume, au Transbordeur et plus exactement au « Club Transbo », un lieu parfaitement adapté pour une soirée qui s’affiche comme « Jazz/ Hip Hop » (bon, de Hip hop il ne fût pas beaucoup question finalement). Une des chevilles ouvrières de la manifestation, Julien Arnaud de Baam Productions, est présent pour accueillir les spectateurs et tout le gratin du jazz régional (médias et programmateurs confondus).
Le public a répondu en assez grand nombre et le club est bien rempli quand la première partie Jet Whistle investit la scène villeurbannaise. Que dire de ce quintet lyonnais formé par la flûtiste Fanny Martin dont le comportement légèrement bjorkien surjoué détonne un peu (et pas seulement par sa cape !) ? Et lorsque l’on n’est pas un grand fan des flutiaux ce n’est pas évident d’en apprécier toutes les nuances…Le groupe déjà aguerri s’est déjà produit sur la scène de Cybèle à Jazz à Vienne et il contient surtout en son sein un espoir montant du jazz, Jules Regard, fils de son père, et investi dans de nombreuses formations de la région (pour preuve notamment sa présentation en duo avec Vincent Forestier pour la finale 2025 du tremplin Rezzo). Ce jeune artiste fait immédiatement penser à notre Robinson Khoury devenu national. Même instrument, même fougue des débuts, multipliant les expériences et les occasions de jouer, avec une très bonne technique et déjà pas mal de métier. On le sent toutefois moins avoir un style et un univers personnel que le prodige viennois. Mais il est prometteur et ses apparitions sont toujours réussies, comme nous le verrons également lors du set d’après… En résumé ce groupe décontenance un peu lors de sa prestation et l’on s’ennuie un peu parfois, avouons-le, avec ce mélange mêlant fusion et free, teinté de rock progressif des années 70 : Jethro Tull sort de ce corps… On voit bien en revanche que les musiciens disposent d’une bonne énergie et qu’ils maîtrisent parfaitement leurs instruments.
Après la pause et un passage chill sur la terrasse très berlinoise de l’établissement qui sert aux « summer sessions » du transbo l’été, daoud et son quartet fait son apparition sur la scène avec son tee-shirt griffé « save me », ou plutôt, il est déjà en train de peaufiner le matériel de scène et tester les micros, impatient et nerveux, plaisantant avec ses acolytes. Car Luc Klein (son vrai nom), toulousain de son état, est humoriste en même temps qu’il est trompettiste : il aime bien faire son show et propose une prestation de stand up en même temps qu’un concert, une sorte de deux en un…C’est un personnage un peu provocateur au style légèrement « je m’enfoutiste » qui ne déplait toutefois pas aux spectateurs. Et la musique me direz-vous ? Le premier morceau, un titre à rallonge Quand t’es jeune et que tu prends de l’ecstasy… donne le la. Il mêle jazz, électro, parfois cela peut virer à la house et au disco qu’il semble affectionner. C’est aussi un héritier d’Ibrahim Maalouf par certains côtés (comme en atteste le second morceau), mais il a sa propre identité et un univers où l’audace n’est jamais absente. Il est entouré d’un solide band avec notamment, un jeune contrebassiste, Louis Navarro qui dispose d’une belle assurance et d’un son impeccable. L’essentiel des titres proviennent de son premier album Good Boy réalisé en 2024 et il a été remarqué par les médias instantanément. Il annonce au public que c’est la première fois qu’il vient à Lyon. Le morceau qui suit est inspiré par son chat borgne, Jules avec qui son ex est partie lorsqu’elle l’a quitté… Puis toujours aussi facétieux, il fait dire au public à la fin d’un morceau « Oh Merde ! » et confie « vous êtes meilleurs que Saint-Etienne ! ». Pour le quatrième titre, il appelle Jules Regard pour faire le bœuf, une bonne idée, car le courant passe bien avec le reste du groupe et cela lui permet de produire un beau chorus avec son trombone ressorti. Puis le groupe reprend en quartet avec un titre toujours aussi décalé Quick (le restaurant), et c’est déjà le dernier morceau (« je dois jouer une heure ! »), une très belle ballade au bugle (qu’il devrait utiliser plus souvent), qui laisse la place à un formidable chorus du contrebassiste. Si le trompettiste chérit les morceaux plus dansants et rapides, il faut souligner qu’il donne son meilleur avec des tempos plus lents. Pour le premier rappel, à la surprise générale, daoud annonce le cover de… partir un jour du boys band To be free ! On a beau apprécier le dixième degré, cela va beaucoup trop loin… Et de convier la flûtiste de Jet Whistle, Fanny Martin, à venir jammer avec lui sur scène !
Pour le second rappel, « mais après vous vous cassez » comme le dit le trompettiste, un autre choix audacieux avec la reprise du Say my name des Destiny’s Child, mais dommage que le traitement musical ne soit pas à la hauteur, et le groupe de livrer le titre de manière peu originale et convaincante…Il y avait sans doute matière à une relecture jazz de ce bonbon pop entêtant. Ceux qui aiment daoud pourront prendre le train le 30 juin prochain, car le groupe est programmé dans le cadre de Jazz à Vienne ; dans un autre club, celui « de minuit ». Il sera alors temps de vérifier si cette fois la musique a pris le pas sur le stand up : davantage de concentration ne pourrait pas nuire à un artiste qui a un gros potentiel musical et créatif s’il voulait bien mettre de côté un peu de sa nonchalance et de son esprit provocateur.
A suivre…
Line-up :
daoud: trompette
Louis Navarro: contrebasse
Alma Pinta Tourret: claviers
Quentin Braine: batterie