Du nouveau sur la planète des basses fréquences et tessitures XXL : sortie ce jour du nouveau double album de Renaud Garcia-Fons : Cinematic Double Bass. Le jour de la Fête des Lumières, ça ne pouvait pas mieux tomber.
Quarante quatre morceaux constituant deux collections spécialement concoctées pour être au service d’images qui n’ont pas encore été tournées. La bande son avant le film en quelque sorte. Excellente idée insufflée par Frédéric Leibovitz, éditeur de Cezame Music Agency à l’orée de la détresse culturelle consécutive à la pandémie.
Au final, deux heures vingt et une minutes de concentré de thèmes, ambiances, émotions, au milieu desquels les cinéphiles les plus avertis trouveront leurs marques.
In a Jazzy Mood, premier volet du diptyque, s’inspire des BO des années cinquante et soixante : films noirs, policiers et détectives, espionnage, mais aussi Nouvelle Vague et séries B.
Le second volet, In a Spirit of Travel, s’appuie sur une période plus récente, où le jazz laisse progressivement la place à des inspirations plus exotiques, orientales et intercontinentales.
Après une première écoute très récréative, flânerie insouciante en milieu pas tout à fait inconnu, il est indispensable de remettre les galettes dans le lecteur pour entrer dans le détail. Et quand on a en tête ce qu’on a pu voir et entendre sur scène, la profondeur du travail accompli pour chacune de ces pépites se révèle aux oreilles attentives. On se délecte des empilements de lignes mélodiques qui sollicitent toute la tessiture, toutes les figures rythmiques et la multitude de sons que Renaud Garcia-Fons sait tirer de sa contrebasse (pizzicato, pizz d’arco, archet, percussion, harmoniques suraigus, …), au naturel ou agrémentés de quelques artifices électroniques, toujours discrets. Derrière les toms sur bon nombre de morceaux, Stephan Caracci apporte en complément la sonorité du vibraphone, en contrechant ou pour quelques improvisations courtes et denses. Et, cerise sur le gâteau, Solea Garcia-Fons illumine quelques titres de sa voix céleste, en solo ou en chœurs. Mélodies savoureuses, blues râpeux, poursuites endiablées, swings enlevés, introspections se succèdent sans accrocs.
Quelques surprises, plus ou moins dissimulées, se sont glissées ça et là ; pour n’en citer que quelques unes : doublement vocal d’un chorus de contrebasse (Jungle Drums Swinging Bass), son de basse électrique non frettée (Window Shopping), mélodie sifflée (Whistle by Night).
Si je ne devais citer que deux ou trois titres de cet opus, je garderais aujourd’hui On the Prowl Again et Soledad del Exilio pour leur sobre délicatesse, TravelWide Travel Wild pour ses airs de ghost file d’un album de Santana, Breakneck Speed et The Thrill of the Chase pour leur walking bass ardente, et l’époustouflante Invitation au Voyage, qu’il faut absolument aller voir avec les yeux sur le Renaud Garcia-Fons Official Channel sous le nom de Happy Alone (voir ici). Si je vous dis comment il est enregistré, vous ne me croirez pas.
Il ne reste qu’à prendre son mal en patience pour admirer de belles images tournées et mariées à cette bande son unique.