« Initio » premier album du Trio de Mark Priore

« Initio » premier album du Trio de Mark Priore

Pour son premier CD en tant que musicien leader de son trio (Elie Marin Charrière à la  batterie et  Juan Villaroel à la contrebasse, le pianiste (et compositeur) Mark Priore confirme largement les sentiments qu’il avait suscité en tant que sideman. Au delà des considerations de technique (virtuosité) de culture musicale de Haendel à McCoy Tyner en passant par Oscar Peterson et de Bach à Ahmad Jamal en passant par Coltrane, au delà des influences, des procédés techniques etc, ce qui frappe lorsqu’on écoute Mark Priore, c’est vraiment l’impression que nous avons affaire à une personnalité, riche, neuve, mouvante, mobile animée par une sorte de grâce et de fraicheur qui font la beauté de sa musique. Mark Priore nous surprend toujours par ses interventions, ses modulations, ses mélodies, ses chorus. Le « Le réel est toujours ce qu’on n’attendait pas et qui, sitôt paru, est depuis toujours déjà là » disait le philosophe Henri Maldiney. Avec Mark Priore, nous ne sommes dans une réalité surprenante, actuelle, heureuse.

La premier caractère qui frappe, c’est le sentiment que tout le CD raconte une histoire comme le précédent en solo « The many facets of the day ». Il ya dans la conception d’ensemble une réflexion approfondie qui fait que nous n’avons pas affaire simplement à une juxtaposition de thèmes sans aucun rapport les uns avec les autres. De meme que « The many facets of the day », racontait les différentes atmosphères (humeur, « stimmung ») du jour  qui varie non seulement avec la course du soleil dans le ciel mais aussi avec la course de nos émotions dans notre cœur, de même « Initio », (puisque c’est le nom donné à ce premier essai, un coup de maître dirait l’autre) propose un fil directeur que nous nous prétendrons pas épuiser. Pas plus épuiser que celui du dernier film de Myasaki. Car la juxtaposition des différents niveaux de sens, avec passage inattendu d’un niveau à l’autre, lui donne la richesse inépuisable d’une oeuvre véritable.

Il ya cependant quelque chose comme un voyage…ce serait banal s’il n’y avait qu’un déplacement touristique dans l’espace, voyage qui n’est pas seulement géographique et écologique, imaginaire, psychologique. mais aussi dans le temps, l’histoire de la musique. Bref ce « Initio » est un peu ce que Barthes en son temps nommait un palimpseste (ah le beau mot qui mérite sa visite au dictionnaire!)

A ce sujet, les titres donnés aux thèmes sont éloquents. Puisque avec Euridyce et Orphée  nous assistons d’abord à une sorte de descente aux enfers, figurée par des notes et accords martelés, tournoyant et descendants vers une obscurité d’où jaillit comme par un lumineux sortilège une phrase musicale ascensionnelle miraculeusent nerveuse, et finalement chantante. Nous n’en attendions pas moins d’Orphée. Mais quand même! Il faut se le coltiner l’enfer. La batterie de Elie achève de dénouer les fils mortifères et l’apaisement suit.

Apaisement bien nécessaire à la douceur du thème suivant, Consolation, où l’on devine tout l’amour et toute la tendresse de cette sorte de moments salvateurs (Cf. L’ouvrage du psychanalyste Jacques Hochmann justement nommé « La consolation ». Douceur de la mélodie, des harmonies modulantes qui débouchent sur un chorus très jazz au piano. Enfin le rythme reprend vigueur.

Alors la Danse peut se déployer: avec Roxana, sur une ligne de basse et de batterie ondulantes comme un corps qui déploie  dans l’espace ses figures chorégraphiées. De la Musique née la danse, de la danse l’espace, de l’espace le monde et les autres arts. Un cheminement Nietzschéen à coup sûr ! Alors l’air ou il fait bon…

 

 

« Au âmes bien néees,etc… »

 

 

Mise à jour du 5 mars : L’album Initio a obtenu le prix « Evidence » (Distingue un nouvel enregistrement exceptionnel, à sortir de l’anonymat) au palmarès 2023 de l’Académie du Jazz https://www.academiedujazz.com/

Auteur / autrice