C’est à l’initiative de Jessica Martin Maresco que, ce soir, le voyage s’oriente vers une espèce de démesure vertigineuse : imaginez, si vous le pouvez mais ce n’est certes pas facile, trois chanteuses qui se disent elles-mêmes un peu « spéciales » … Leïla Martial se présente en « vocaliste multi-timbrée » et Heidi Heidelberg comme « Anarchic Soprano // Musician ». Elles partagent les mêmes folies musicales qu’elles peuvent se permettre par leurs connaissances de toutes les musiques contemporaines et anciennes que leurs techniques vocales singulières leur permettent d’aborder avec aisance et facilité apparente.
Ce soir, c’est la première dans un cadre magnifique qui convient tout particulièrement au projet, le château Caramagne et son étonnant théâtre/salon à l’allure italienne, les colonnes, les faux marbres, les trompes l’œil aussi et son balcon périphérique. Nos héroïnes seront seules sur scène, au menu : « Le Haïkaï est une forme poétique japonaise qui est l’ancêtre du Haïku. Plus loquace, plus drôle et léger, il manie l’art de la juxtaposition d’images non-logiques guidées par l’émotion… /… » Un déroulé de la soirée tout simple, en six tableaux qui définissent qu’ils seront trio, duo ou solo : improvisations totales à l’exception de la dernière pièce en dessert, composée pour elles par Antoine Arnera.
Leur mise en scène spontanée est elle aussi évidemment l’illustration visuelle de la balade qu’elles nous montrent à partir d’une phrase qu’elles vont utiliser ensemble ou pour leurs parties solistes : « Du silence naît la métamorphose, ce silence irréel nous embrasse, tes yeux changent de couleur, n’est-ce pas étrange que la nature des feuilles marque le passage du temps ? » Un authentique parcours privilégié que le nôtre ce soir, une acoustique impeccable qui nous permet de profiter des trois voix très distinctement. Voir et vivre la complicité de ces trois jeunes femmes était exceptionnel de beautés, d’audaces et d’émotions ; aucun leadership de l’une ou l’autre pour ce trio vocal ébouriffant, elles sont à la fois une et chacune. Nous sommes un peu voyeurs de leurs échanges, plus proches des aventures de ces musiques dites contemporaines que proposaient Iannis Xenakis ou Luciano Berio que de celles des notes bleues, seuls les grands principes de l’improvisation et du discours commun les unit et nous convainc assurément.
P.S. le 9 novembre, elles seront au Crescent à Mâcon.