28/09/2024 – Possible(s) Quartet au Théâtre du Puy-en-Velay pour Jazz en Velay

28/09/2024 – Possible(s) Quartet au Théâtre du Puy-en-Velay pour Jazz en Velay

Au pied levé, en remplacement d’Eric Le Lann, convalescent, Jazz en Velay a eu la très bonne idée d’inviter le Possible(s) Quartet.

A la fin du concert, un mélomane me confiait que les musiciens de l’orchestre avaient sans doute tous un premier prix de conservatoire, compte tenu de la justesse et de la qualité technique de leur musique. C’est vrai, le Possible(s) Quartet c’est d’abord un son, magnifique, unique, chatoyant, animal, un nuancé de sophistication. Non pas quatre qui font un, mais quatre qui se déploient dans l’infini des combinaisons harmonisantes. Innombrables et toujours claires dans le propos. Enfin, claires, faut voir (et entendre) car la musique qu’ils jouent ne relève pas de la sinécure. Reprendre Monk et Satie dans toutes ses déclinaisons, cela demande d’épouser, un peu, la confusion qui régnait (vu de l’extérieur) dans l’esprit de ces deux compositeurs de génie. 

Le génie, parlons-en. Ne dit-on pas de quelqu’un qu’il est génial, quand on n’a pas vraiment compris son propos et qu’on en est fort éloigné ? Ces deux ont mis du temps avant de connaitre la consécration. Le Possible(s) Quartet, lui, ne s’y est pas trompé, et dans le souffle des quatre, c’est un sacré hommage qu’il leur est rendu. Le Possible(s) Quartet est un orchestre de chambre. Celle, sordide, où vivait Satie, dans sa grande solitude, sans le sou, à chercher la reconnaissance des autres, ce qui le rendait aigre. Celle où s’exilait Monk, pour se protéger de lui-même. Merveilleux quartet qui réussit la prouesse non seulement de restituer la musique de chacun dans des arrangements de haute volée, mais également à fusionner les deux. A écouter les Gnossiennes truffées de thèmes monkiens, j’imaginais les deux artistes se lancer des œillades et se taper dans les mains, en signe de bravade. Élucubrations musicales multidimensionnelles du premier, accords arides et rythmes tranchants du second, le Possible(s) Quartet redonne tout cela dans un bric-à-brac ciselé, précis, une quintessence. Parfois, des improvisations débridées s’échappent de l’orchestre comme des rêveries nécessaires. Succession, alternance d’accords et de décrochages. Thèmes éclatés. Échange de rôles entre les instruments. Tout cela ne manque ni de panache, ni d’humour, à l’image des deux génies, corrosifs à force de sensibilité hyperréaliste. Ce côté « à fleur de peau », cette étrangeté, est bien décrite par l’orchestre et renforcée par la lecture d’extraits de correspondances ou de chroniques de concerts. Elle est faite sienne par le groupe à travers plusieurs compositions originales de Remi Gaudillat et de Laurent Vichard. De belles réussites. Et un magnifique concert, de ceux pour lesquels on en redemande.

Laissons les deux génies clore ce chapitre. Devant un public tout ouïe.

« Ma démarche étonne les fleurs.

– Il y a du misterioso à tout cela.

– Teo, euh, Thelonious, t’es comme moi, tu danses de travers.

Uspud en être autrement ?

– I mean you, man, ugly beauty !

La salle se change en point d’interrogation. Suivi d’un tonnerre d’applaudissements.

C’est fini.

 

Loïc Bachevillier, trombone ; Rémi Gaudillat, trompette ; Fred Roudet, trompette ; Laurent Vichard, clarinette basse.

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