J’étais très enthousiaste par cette rencontre annoncée entre Leïla Martial, formidable chanteuse fantasque, « Vocaliste multi-timbrée » comme elle aime à se présenter et Elie Dufour talentueux pianiste du trio de Jazz contemporain EYM.
Par ailleurs, j’aime assez entrer dans une œuvre sans savoir vraiment où elle va m’entrainer et qu’elle me surprenne. Nous sommes nombreux visiblement ce soir au Périscope en mode « aventurier » à la découverte de la terra incognita de ces deux artistes et nous serons comblés.
Cela commence par une ritournelle sur le piano arrangé et la voix de Leïla qui entame une lamentation enivrante dans une langue inconnue de tous.
Où sommes-nous ?
Tantôt en Inde, tantôt dans les Balkans ou plus vraisemblablement dans un pays imaginaire où tous les fantasmes et toutes les fantaisies sont possibles.
Nous assistons à la première représentation d’un projet qui vient de naitre, la peinture est encore fraiche nous préviennent les artistes. Il est émouvant de penser que le moment est certainement unique, nous sommes au sortir de l’atelier avec eux. L’improvisation prend toute sa place ; la complicité et le talent du duo nous masquant les risques pris. Plus tard, les morceaux vont certainement évoluer vers plus de maitrise et d’automatisme. Aujourd’hui, nous sommes des Indiana Jones !
Ainsi, voici une composition de J-S Bach, une Partita pour … violon!?
Après quelques cheminements débordant d’inventivité, nous arrivons effectivement à un thème de musique baroque pour repartir aussitôt vers un ailleurs.
Mais alors quand sommes-nous?
Les artistes brouillent les pistes avec malice notamment en utilisant des instruments modernes et d’autres anciens comme l’organetto*. C’est un petit orgue portatif médiéval, le vent est produit par un soufflet actionné du bras gauche, doté un clavier et de tubes dont les sonorités sont proches des flûte.
Ils font feu de tout bois côté instruments : des séquenceurs, mais également des boites à musique à manivelle voire des instruments bricolés.
« Mes bien chers frères, mes bien chères sœurs… »
Ça y est, je sais : nous sommes à la messe !
Ah non, nous voici sur le dance floor sur un rythme entêtant…
Les ambiances s’entrechoquent dans cette créativité débridée, nous sommes à chaque instant bousculés, surpris, ébahis.
C’est peu de dire que Leïla Martial est en création permanente, j’imagine qu’elle doit se surprendre elle-même. Maitresse en improvisation, affichant une liberté qui semble à toute épreuve. La voix est certainement le plus bel instrument du monde, Leïla paraît, elle, prendre un plaisir gourmand à tout tenter avec la sienne.. avec brio.
Elie Dufour « le pianiste voyageur » nous a lui, avec son trio EYM, déjà bien habitués à fusionner l’univers du jazz avec d’autres musiques du monde ; le voici en collaboration avec une artiste qui ouvre encore les horizons au-delà des frontières et du temps voire du réel. Attention aux limbes !
Après un deuxième concert à Saint-Étienne le duo a prévu de travailler encore pour présenter un projet final fin 2025. On a hâte, bien sûr.
J’ai une proposition de nom pour ce projet : « C’est quand qu’on va où ? »
*: NdlR ne pas confondre avec son homonyme, petit accordéon diatonique italien né au 19ᵉ siècle.