L’aventure du Mettà Trio continue avec l’album « inTriospection« , dans la continuité de leur premier album « Cresistance » sous la houlette du pianiste, et multi-instrumentiste, Camille Thouvenot. Avec Christophe Lincontang à la contrebasse et Andy Barron à la batterie, il a concocté un opus passionnant qui s’écoute d’une seule traite. Présenté comme une plongée dans le cycle des saisons intérieures du compositeur, il prend la forme d’une suite d’hommages et de dédicaces aux rencontres humaines et musicales qui l’ont amené à ce moment de sa vie d’artiste.
A tout seigneur tout honneur, Mario célèbre le talent du regretté Mario Stantchev dont il a été l’élève. Profonde et empreinte de nostalgie, l’introduction présente avec délicatesse la courte phrase musicale déclinée tout au long du morceau, variant les tonalités et les cadences. La mélancolie est de courte durée et fait place à une grande envolée à l’énergie débordante, comme savait si bien le faire son illustre maître.
Les relations de voisinage ont inspiré 23Power ; on ne doit pas s’ennuyer dans cette montée d’escalier ! Et, on doit y passer d’agréables moments de détente, à l’image de cette Poinciana qui conclut le morceau.
Massimo sonne comme une berceuse apaisante. La contrebasse suit le piano comme son ombre, avant de prendre son envol pour un chorus élégant aux accents scandinaves à peine ponctués par quelques coups de baguettes savamment distillés. À écouter confortablement installé dans la pénombre d’une bibliothèque.
Chaloupé et dansant, Trouble in Dissay offre une large plage d’expression à Andy Barron ; la tension monte d’un cran pour un chorus de batterie intense et néanmoins subtil.
Camille Thouvenot choisit My Favorite Things pour rendre hommage à John Coltrane. L’introduction à la contrebasse s’amuse avec les quatre premières notes du thème, tourne autour, malmène la métrique et donne finalement une impulsion ternaire au piano pour la présentation du thème. Le chorus de piano poursuit dans ces digressions rythmiques, mélodiques et modales.
L’urgence imprègne Jinrikisha, du nom de la maison de production du trio. On plonge dans le bop prolixe et véloce, avec walking bass galopante, roulements de caisse claire et breaks irréprochables.
BBB – For Esbjörn permet de reprendre son souffle, dans une ambiance comme savait si bien le faire Esbjörn Svensson avec son trio E.S.T. : mélodie limpide, basses profondes, nappes harmonieuses et une sensibilité à fleur de peau.
Place à l’amour avec Kouklamou, plein de tendresse et de douceur revigorantes. Toute l’alchimie des sentiments au bout des doigts.
Donkey Run surprend par son inspiration reggae, son entêtant gimmick chromatique à la main gauche qui accompagne tout le morceau jusqu’au chorus de piano qui bascule vers un swing qui ne veut pas l’avouer. Andy Barron se livre à un chorus qui dure pratiquement tout le morceau, sans jamais éclipser les autres instruments.
Les souvenirs d’enfance sont à la base de Concrete Jungle, petite mélodie insouciante qui fait davantage penser à une école buissonnière sur les chemins caillouteux qu’à une jungle bétonnée.
Benny Golson était déjà présent dans le premier album du trio. Whisper Not en version shuffle apporte une dynamique swing qui sied bien à ce standard, agrémentée de quelques légères dissonances bien senties.
Pour terminer, Camille exprime sa reconnaissance envers ses parents avec Améthyste, du nom de cette pierre fine réputée pour préserver de l’ivresse. L’occasion pour Christophe Lincontang de prendre un dernier chorus avant de laisser le piano égrener les dernières notes.
Sans se départir de son style propre, Camille Thouvenot nous montre par ses compositions et son jeu à quel point il a assimilé jusqu’à l’âme les musiques qui l’inspirent à travers ces hommages subtils et très personnels, émaillés de citations empruntées aux standards du jazz, à la musique populaire ou à l’univers cinématographique.
Bonifié par la maturité du trio acquise lors des nombreuses scènes de ces trois dernières années, cet album est délectable.