Le Amin Al Aiedy Quartet demeure modeste malgré ses succès de scène: Premier prix au tremplin Un Doua de Jazz 2021 de Villeurbanne ; Prix du public au tremplin de l’ Avignon Jazz Festival, 2024 ; Finaliste au Tremplin Golden Jazz Trophy ; 2024, le quartet ne s’en vante pas. L’essentiel n’est-il pas d’être présent à la musique jouée dans le lieu et le temps où elle est jouée ? Foin des trophées. Et, quand il s’agit de soutenir un club de jazz dans la tourmente des Covid et autres restrictions budgétaires, il n’a pas hésité à offrir son concert en 2023.
Juste retour des choses. Le quartet a été invité cette saison par le Jazz Club de Grenoble.
Les thèmes sont souvent précédés de «taksims», sortes de préludes joués en solo par l’un ou l’autre instrumentiste: ainsi le taksim d’oud joué par Amin Al Aiedy pour Snow on Bagdad (évocation de la poussière des bombes), le taksim* de contrebasse est joué par Jean Waché pour Nabu ; le taksim de piano par Vincent Forestier pour Isabelle ; le taksim de batterie est joué par Mathéo Ciesla pour Samaï.
Quel lyrisme, quelle sensualité, quelle spiritualité dans le jeu de cet instrument l’oud (dont le luth n’est qu’une copie occidentale, et non l’inverse !) qui peut mêler la spiritualité mélodique du monde oriental avec les richesses harmoniques et rythmiques du monde occidental. Des polyrythmies aux métriques variées dynamisent les modes qu’ont ressuscité le jazz. Modes métamorphosés par les maqams* arabes. Ah, si Mathéo jouait plus souvent avec les mains, la sensualité serait plus grande encore !
Bref, c’est un jeu de couleurs magnifiques que nous propose le quartet. Et il n’oublie pas le tragique du monde. Pour Snow on Bagdad, un spectateur, Antoine Thérond, touché comme tant d’autres par la beauté de la musique et le destin du Moyen-Orient a même rédigé un poème saisissant.
Nous avons goûté la précision dans le phrasé joué souvent conjointement à l’oud et au piano, le caractère dansant d’une musique qui se plaît à des musiques étranges (sept temps et demi par exemple, et les chorus de piano dans Bambi et Fractal le dernier chorus de batterie, à la fois très construit et inspiré. Dans le thème de clôture ; Shams, éponyme du disque d’or à vous procurer !
Le public se dit parfois que c’est le meilleur concert de l’année auquel il a assisté. Nous serions plutôt assez d’accord….
*NdlR : En musique turque : Taksim désigne une improvisation instrumentale non rythmée et libre, souvent jouée en solo. C’est une forme importante de la musique classique turque, qui permet au musicien d’exprimer sa créativité et sa virtuosité. On retrouve souvent le taksim dans les suites instrumentales (fasıl) et les concerts de musique turque.
« Maqam » (ou makam, pl. maqamat) est un terme riche et complexe qui se réfère à un système modal de musique traditionnellement utilisé dans une vaste région géographique allant du Maghreb à la Chine.
En résumé, le maqam est un ensemble de règles et de conventions musicales qui guident la composition et l’improvisation. Il ne s’agit pas simplement d’une gamme, mais d’un système complet qui englobe :
- Gammes: Chaque maqam est associé à une gamme spécifique, avec des intervalles et des notes caractéristiques.
- Formules mélodiques: Des motifs et des phrases mélodiques typiques sont associés à chaque maqam, créant une « couleur » sonore distinctive.
- Hiérarchie des notes: Chaque maqam a une note fondamentale (tonique) et des notes de passage, ainsi qu’une note dominante qui joue un rôle important dans la mélodie.
- Règles de composition et d’improvisation: Le maqam guide le musicien dans le développement de la mélodie, en définissant les mouvements mélodiques permis et les transitions entre les différentes gammes.
On retrouve le système de maqam dans différentes traditions musicales, notamment :
- Musique arabe: Le maqam est un élément central de la musique arabe classique et populaire.
- Musique turque: Le makam turc est similaire au maqam arabe, mais avec des caractéristiques propres.
- Musique persane: Le système modal persan, appelé « dastgah », est également lié au maqam.
- Musique azérie: Le mugham azéri est une forme de musique modale complexe et improvisée, basée sur le système de maqam.
Le maqam est un élément essentiel de la musique traditionnelle dans de nombreuses cultures. Il permet aux musiciens d’exprimer une grande variété d’émotions et de créer des mélodies riches et expressives.