16/01/2025 – Zaza Desiderio Trio : présentation de « Osmoses » au Solar

16/01/2025 – Zaza Desiderio Trio : présentation de « Osmoses » au Solar

Une sortie d’album, ça ne se fait pas n’importe où. Il faut une lieu avec une forte propension à l’accueil, à l’écoute, à la découverte. Sympa, quoi !

Le Solar de Saint-Étienne cochant toutes ces cases, c’est là que Zaza Désiderio a présenté de manière officielle « Osmoses », son dernier opus en trio (voir la chronique de Laurent Brun). Mais, pour être vrai et pas trop chauvin, cela s’est déroulé sur la scène stéphanoise, surtout « parce qu’elle a été la première à s’être inscrite pour accueillir cette sortie d’album ». C’est du moins ce qu’a révélé Zaza, déjà venu ici après le confinement : « C’était lors du Jazz Day, on avait fait un concert avec dix professionnels ».

Alors, qu’est-ce qu’Osmoses, dont le titre porte en lui-même la réponse ? Et, surtout, pourquoi ce projet à ce moment de la vie du Brésilien-Lyonnais ? « En fait, honnêtement, toute ma vie a été une succession de hasards. J’ai beaucoup travaillé, mais c’est le destin qui domine. J’aurais bien aimé faire ce projet avant, mais d’autres choses ont eu lieu entre-temps. Déjà, il y a dix ans, j’avais enregistré un premier EP avec eux (NdlR le pianiste Rémi Ploton et le contrebassiste Michel Molines). D’abord, trois ou quatre morceaux qu’on a complétés par la suite, en deux fois et au studio SLC ».
Leur connivence date donc de longtemps, on s’en doutait à les entendre sur scène : « Michel, je le connais depuis au moins dix ans et on a travaillé ensemble dans d’autres projets mais j’ai cru au départ que c’était un guitariste rock avec ses cheveux longs (à l’époque) ! Pour Rémi, quand je l’ai entendu la première fois, j’ai halluciné, cette poésie du doigté, ce travail fait avec les enfants dans son album « Le temps de le dire » (2012), c’est un de mes pianistes préférés ». Cet opus, sorti sous la forme collector d’un vinyle à la pochette inspirée (Hélène Berly au graphisme et à l’illustration), ainsi qu’en CD classique, comprend dix titres remarquables par la liberté offerte aux compos de chacun : « Dans la majorité des projets que je mène, je fais en sorte que tout le monde soit à l’aise, ce qui me permet aussi de capter l’univers des autres. Je tiens à ce qu’ils puissent s’exprimer, car ils composent très bien, c’est un vrai mariage entre tous les trois ». Une osmose donc, comme quoi, il y a des mariages réussis et sur le bon tempo.

Au fait, c’est quoi, le rythme pour Zaza Desiderio ? « C’est la vie! Tout a besoin de rythme dans la vie, mon cœur, quand on marche, qu’on se parle… dans la musique, c’est pareil ». Encore plus quand on est batteur-percussionniste, non ? « La batterie, c’est mon souffle, mais ce n’est pas un bijou. Je peux passer un moment sans en jouer, je peux même vivre sans batterie, mais pas sans musique. C’est de musique dont je suis d’abord fou, c’est mon moyen de m’exprimer, de dire ce que je ressens ».

Et le carioca d’origine, qui va souvent se ressourcer au creux de ses racines, en a, des ressentis à partager, d’autant que cette année est pour lui exceptionnelle. Elle sonne les quinze ans de son arrivée dans l’hexagone, la sortie de cet album et le début de l’année du Brésil en France. Son sourire fait du bien.

Et cette soirée, a-t-elle fait du bien ?

Elle s’est déroulée en deux parties, un peu comme les faces A et B du vinyle. La première a duré plus d’une demi-heure, enchaînant sans pause trois morceaux introduits « par de petits solos ». Inutile d’en citer les titres, écrits en portugais ou en français. Parlons plutôt de ce qui les a soudés. De leur gueule d’atmosphère. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Outre les évidentes complicités, virtuosité, accords aimables qui les lient, la scène se transforme d’emblée en une île musicale au microclimat très travaillé. Il s’en exhale d’abord le son presque chuinté, soyeux de la batterie. Cela ne dure pas. Sous les baguettes rugissent bientôt les roulements d’un ciel d’orage. L’espace se densifie, nourri d’une synergie synchrone.
Aux appels cristallins de clochettes ancestrales, se renvoient en écho d’électroniques sonorités.
Des mondes et des mots se parlent ainsi, par ondes superposées, comme feuilletées. On entend des voix préenregistrées, familiales parfois, se mêler aux pulsations maîtrisées. Il faut dire l’excellence de la contrebasse précise et souvent câline, la présence tantôt lyrique, tantôt confidentielle du clavier, les couleurs et les ombres des percussions organiques. Il faut aussi parler de la joie semée dans l’Enchanteur (une compo de Rémi Ploton), des baisers-samba glissés de-ci de-là par des baguettes inventives. Sans compter que du ciel de cette île bruissante, il pleut parfois des sons hyper urbains. Et puis, paf, retour connecté sur une terre et un jazz très moderne…

Alors, on part, après avoir applaudi au remarquable Déserteur de Vian, réarrangé et joué en rappel…
Oui, on était bien en Osmoses, en équilibre musical et humain cherché, trouvé, réussi pleinement.
Pourtant, malgré ce déploiement radieux d’atmosphères diverses, et en toute subjectivité, j’en viens presque à regretter un peu l’excellence, le manque de faille, le truc pas forcément écrit, pensé, mais qui m’aurait permis de me faufiler en douce en ce lieu imaginaire. Ce truc qu’on pourrait nommer (soyons fous) une mélodie, une impro, moins de perfection et plus d’humaine condition en quelque sorte.

Ah ! Ce jazz actuel…

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