Fusion sans effusion
Comme souvent lors d’un rendez-vous événementiel et à fortiori quand il s’agit d’un groupe dont on est fan depuis toujours, peut-être que nos attentes étaient trop grandes pour ces retrouvailles viennoises avec le groupe mythique de l’afro jazz-rock hexagonal qui revient avec son nouvel album «Unixsity». Trop d’errements divers et de manque de cohésion, le set de Sixun a été plus confus que fusionnel et la communion avec le public aura été bien laborieuse. Peut mieux faire !
C’était tout de même un événement pour le moins attendu, dans la foulée de la parution fin 2022 d’«Unixsity» (voir ici), nouvel album studio signant le retour de notre groupe afro-jazz-rock français favori. Sixun, band légendaire en la matière, qui depuis quarante ans nous a régalé de divers albums parmi lesquels deux live immortalisant l’impact soufflant de ce sextet frenchy héritier de Weather Report, d’abord le magnifique et indispensable «Sixun Live» enregistré lors de la tournée 1989, puis le «Live in Marciac» en 2009. Si nous étions bien sûr déjà là à Jazz à Vienne en 2006 pour leur fameuse tournée des vingt ans, on s’émoustillait par avance de revoir enfin le sextet lors de cette soirée dévolue au jazz-fusion, dans la foulée du trio de Pat Metheny.
Alors que s’est-il donc passé ce soir pour que l’on reste dubitatif quant à la prestation offerte ? Mystère. Toujours est-il que curieusement la mayonnaise a eu du mal à prendre, la communion avec le public en cet instant de retrouvailles restant poussive et sans grande effusion, avec une prestation donnant une impression plus dans la confusion que dans le fusionnel. Comme déjà sur le live à Marciac, c’est la compo de Jean-Pierre Como Paesana qui ouvre le set, et bien qu’on soit heureux de retrouver la frappe de Paco Sery face aux percussions de Stéphane Edouard et la grosse basse claquante et métallique de Michel Alibo, on s’attendait à plus de jus pour cette intro qui, à l’instar des titres du nouvel album, met très en avant ceux qui font «chanter» ces compos toujours très mélodiques, Alain Debiossat aux sax et Louis Winsberg à la guitare. Ce sera le cas sur les quatre morceaux d’Unixsity (qui n’en compte que six) joués ce soir, comme sur les trois qui vont suivre, Very Sixun Trip, Minor Steps puis Idole. Sur Very Sixun Trip, des samples nous transportent dans l’ambiance d’un village africain sur un tempo syncopé donné par le Fender Rhodes et où la guitare bien jazzy de Winsberg sera comme souvent très bavarde. Très chantants aussi sur Minor Steps, sax et guitare se partagent le lead à l’avant-scène, sur une basse qui groove et où Como part en chorus bien dans l’esprit de Weather Report, avant Idole, compo d’Alain Debiossat dont le superbe son au soprano est encore très en avant tandis que s’agite en fond le duo des frappeurs.
Plus en retenu et avec une belle fraîcheur mélodique, voilà Parakali qui nous renvoie à l’album mythique et bien nommé «Nomads’Land» paru il y a tout juste trente ans ( déjà !) dont pas moins de quatre morceaux seront joués ce soir.Comme encore Aligogo qui suit, composé par Alibo, puis Sanza Univers où un «Paco errant» et plutôt gauche va vainement tenter de chauffer le public jusqu’ici poliment réservé et sans qu’on en ressente une franche ferveur. Il faudra arriver à Futur, compo du batteur en hommage à Joe Zawinul (qui durait 13 mn sur le live à Marciac), puis au récent Seven Keys, afro jazz-rock au groove puissant, pour que la sauce commence vraiment à prendre, alors qu’on arrive à la fin du set. Et c’est d’ailleurs sur Malagasy, thème d’ouverture de Nomad’s Land et visiblement bien connu des fans présents, gardé pour le seul rappel, que le public s’anime enfin en frappant des mains, donnant bien tardivement une réponse aux attentes du groupe qui semble avoir pas mal ramé pour en arriver là.
Mais on a beau être fans, nous sommes nombreux à avoir pointé lors de ce drôle de set sans doute pas assez carré, trop de confusion, trop d’errements hasardeux pour ne pas dire trop de ratés (jusqu’au salut final bien désordonné…), trop de successions de lead à défaut d’une pleine cohésion groupale, sans omettre la banalité des interventions de certains en termes de contact, notamment celles de Paco qui semblait dans un état second, titubant sur la scène et demandant avec maladresse au public un donnant-donnant qui, on l’a dit, a mit bien trop de temps à s’instaurer. Si les Six avaient -comme c’était jusqu’ici l’habitude- mieux réussi à ne faire qu’Un, nous nous serions sans aucun doute plus spontanément ralliés à leur unité. Ce n’était bizarrement pas le cas ce soir, et c’est bien dommage..