Je connaissais le fantasque saxophoniste Francesco Bearzatti par ses projets atypiques, comme Monkn’Roll vu il y a quelques années sur scène, et le guitariste poète Federico Casagrande par ses productions intimistes, et j’étais très curieux de voir le résultat de cette collaboration. Allait-il être explosif ou sage ? Qui de l’exubérance ou de l’intériorité allait l’emporter ? Il fut finalement pétillant, plus ou moins selon les moments, mais toujours plein de malice.
Cette musique est sobre, elle coule naturellement, épouse les reliefs, roule sur les galets, s’emporte parfois quand Francesco Bearzatti fait rugir son sax ténor et Federico Casagrande plaque des accords rageurs au détour d’un chorus enlevé.
Lost Songs est un recueil de compositions « oubliées dans un tiroir » par Francesco Bearzatti, à qui il a fort à propos eu envie de donner vie. Le prochain opus honorera les compositions délaissées par Federico Casagrande.
Nirvanina démarre par une longue introduction d’arpèges survolés par une lente mélodie dans les aigus, puis le sax feutré expose un thème raffiné, léger, confortable à entendre, où le silence a sa place au premier rang. Le dynamique Crickets in my Head laisse la place à un grain de fantaisie, avec un chorus à une puis deux puis une voix, reprise du thème et coda exaltée. Bear’s Mood est une ballade apaisante, qui suscite une écoute attentive pour capter toutes les subtilités du jeu des musiciens : glissendo et pizzicatti au saxophone, notes tellement filées qu’elle restent dans le bocal, arpèges aux doigtés improbables à la guitare. Francesco Bearzatti enfourche sa clarinette pour une valse lente, Waltz for Paola, et un chorus bourré de citations des répertoires classique, jazz ou même musette ou musique des Balkans.
In a Soap Bubble pourrait aisément accompagner un film muet, African Kids fait écho à la rencontre en Afrique d’enfants heureux et souriants, prêts à s’amuser d’un rien. Le pavillon de la clarinette fait office de percussion avec le creux de la main, clarinette qui finira démontée pour ne jouer qu’avec la partie supérieure, dans un registre totalement inattendu, comme les enfants pourraient jouer dans un morceau de bois creusé muni d’un élastique et d’un copeau. La clarinette en rit à gorge déployée.
Le set se termine avec Rue de Nanette, course effrénée dans les pentes et les escaliers dans laquelle les instruments se retrouvent pour quelques traits lestes et enjoués avant de continuer la poursuite, les doigts flagellent sur les cordes, l’anche vibre de curieuse manière, et tout le monde se retrouve au bac à sable pour se reraconter à l’envi toutes les péripéties de l’escapade.
Le rappel est un hommage teinté de rythmes caribéens à Tony Scott qui aurait eu 100 ans cette année.