Avec les trois-quarts de la programmation 2020 amputées pour cause de pandémie, l’édition 20211 s’est fait un point d’honneur à réinviter les artistes empêchés. C’est le cas pour le duo à l’affiche ce soir et le public est impatient de le découvrir dans un des lieux emblématiques de Firminy–Vert, la Maison de la Culture2.
La jeune compositrice, pianiste et chanteuse estonienne Kadri Voorand et Mihkel Mälgand son compatriote complice de longue date et contrebassiste renommé viennent nous présenter ce soir leur dernière création, l’album « In Duo with Mihkel Mälgand ». Ce passage à Firminy fait partie de leurs toutes premières dates françaises.
On nous annonce ces estoniens « fougueux et aventuriers », alors oui, quelle belle idée de les accueillir dans ce décor savamment minimaliste de la maison de la culture : mur de fond de scène sobrement agrémenté d’une tenture plissée qui prend la lumière comme une peinture de Soulage, fins segments lumineux verticaux régulièrement déployés sur le reste du fond noir, la sobriété est de mise, les musiciens peuvent donc entrer et briller sur scène !
D’entrée de jeu on comprend vite que Kadri Voorand sait briser la glace intimidante annoncée. Quelques mots en français du plaisir d’être accueillis ce soir à Firminy plus quelques présentations des textes chantés et le contact est vite établi. Kadri est auteure de la plupart des compositions musicales, paroles et arrangements présentés ; Après déjà plusieurs albums primés, ce dernier opus en duo vient d’être élu meilleur album jazz de l’année 2019 en Estonie. Mihkel y a été aussi fortement associé tant aux arrangements qu’à la composition.
Le répertoire est vaste et nous promène ici dans une ballade poétique feutrée, là dans une pop-jazz suave, une narration folk bien enlevée, un jazz vocal ou une improvisation sans parole, voire un punk-rock rageur et débridé ; Avec humour et malice, tout semble leur convenir !
L’aisance vocale de Kadri Voorand n’est pas sans lien avec ses participations au chant choral traditionnel d’Estonie depuis son enfance. Voix claire et souple, phrasé fluide, charisme évident, expressive, tonique et imaginative, elle s’impose, pulse, rayonne et étonne par la multiplicité de son talent. Pas en reste non plus avec sa maîtrise instrumentale du piano ou du violon, soulignons que dans une gestuelle quasi transparente elle maîtrise aussi parfaitement son utilisation des effets électroniques.
Quant à son partenaire Mihkel Mälgand, d’apparence seulement plus en retrait, on se rend vite compte que son immense expérience apporte une cohérence et une assise énorme à ce duo. A la basse sur quelques morceaux et le plus souvent à la contrebasse, par son attention permanente à sa partenaire il est le repère musical infaillible du duo, il ponctue, accentue, prolonge les vocalises, tonitrue s’il le faut, calme de jeu ou relance le groove ; La rythmique solide dans toute sa splendeur !
Ce duo se connaît bien, s’apprécie, respire le plaisir partagé et arrive à déployer sur scène une musique d’une grande spontanéité qui embarque très vite son auditoire. Fasciné par leur maîtrise musicale et la fantaisie de leurs improvisations, le public ne consentira à les laisser partir qu’après deux rappels, ma foi fort généreux aussi. La sobre élégance du fond de scène était ce soir, comme en contrepoint, le juste bel écrin que méritait la flamboyance musicale de ce duo exceptionnel. A la séance dédicace une spectatrice les gratifiera même d’un – « Et en plus vous êtes beaux ! ». (effectivement ça ne gâche rien…).
Merci encore une fois au Rhino pour cette pertinente découverte.
Une grande tournée internationale va les emmener à présent au-delà de l’Europe, à la conquête du monde entier, USA, Chine, Russie, etc. Belles perspectives en vue et nous ne pouvons que leur souhaiter d’y trouver aussi tout le succès qu’ils méritent.
- Kadri VOORAND piano, voix, kalimba, violon et effets électroniques
Mihkel MÄLGAND contrebasse, basse
(1) Cette 43ème édition du festival est une belle revanche, avec pléthore de concerts et de lieux, 60 concerts et 26 villes la marque de fabrique historique du RhinoJazz(s) Festival : belle occasion de promener ses yeux et ses oreilles dans le pays du Gier et de la Loire ( Rhône aussi avec 3 concerts à Oullins et 1 à Caluire) et ce jusqu’au 24 octobre !
(2) Œuvre de l’architecte Le Corbusier en collaboration avec le compositeur Iannis Xenakis