Le rendez-vous à ne pas manquer est indiscutablement celui que nous a donné Abdullah Ibrahim ce jeudi à la MC2 de Grenoble. Le public ne s’y est pas trompé, qui est venu nombreux rencontrer cette dernière légende du jazz encore vivante, de passage dans notre région.
Du haut de ses quatre vingt neuf ans, chevelure blanche, il est arrivé sur scène d’un pas hésitant au bras d’une jeune femme. Il semble fatigué. Mais lorsqu’il s’installe au piano, la magie opère et c’est le grand maître sud-africain qui, en solo, nous offre ce concert exceptionnel et rarissime, le bien nommé Solotude.
Abdullah Ibrahim, musicien inventif, inspiré par la complexité de son identité faite de rythmes africains, d’influences arabes, moyen-orientales, romantiques, de blues, semble avoir atteint, au crépuscule de sa vie, une totale sérénité.
L’hypnotique Solotude, nous entraîne dans une méditation, dans un univers intimiste, fait de souvenirs, de mélancolie et peut être de nostalgie. Au détour d’un accord, apparaissent quelques thèmes de son répertoire comme Blues for a hip ou Blue bolero, nappés d’improvisation réjouissante. A-t-il voulu avec cet opus revisiter sa vie de musicien, ses thèmes de prédilection, ses influences, ses préoccupations, son amour du jazz et de la musique en général ?
Pendant presqu’une heure, Abdullah Ibrahim nous a tenus en haleine, jouant en continu passant d’une mélodie à une autre en douceur, de son doigté délicat, de son jeu particulier.
Incontestablement Solotude est une œuvre méditative, contemplative, intimiste. Il y émane une paix, une spiritualité, une beauté tranquille et universelle.
En entonnant a cappella deux chants probablement dans une des onze langues sud-africaines, Abdullah Ibrahim a revêtu un costume qui lui est cher, celui de militant contre l’apartheid. Celui qui a toujours lutté pour l’émancipation de son peuple, a pris soudain l’allure d’un sage.
Est-ce son chant du cygne ? C’est sous les ovations du public que ce grand Monsieur a repris sa route