Mammal Hands, le méridien de Norwich !
L’épicerie était très clairsemée en ouverture de scène pour Space Dolphin, les régionaux de l’étape, un duo de jeunes musiciens, trombone et trompette/ bugle et tous deux d’une grande dextérité dans le maniement des machines, synthétiseurs et autres boites à rythme. On assiste à un sympathique set jazz électro énergique mené par Louis et Julien, visiblement ravis d’évoluer à Feyzin en lever de rideau des mains du mammifère ! Les trois derniers morceaux retiennent l’attention : Bulle bulle (issu de leur dernier disque) et Space Dolphin, titre éponyme du groupe, avec un beau rappel vitaminé en cuivres mais dans lequel les machines ont le dernier mot, juste ce qu’il faut pour patienter avant l’arrivée de la tête d’affiche de la soirée…
Quand Mammal Hands prend les commandes, on se rend vite compte que le light show sera minimaliste… Parfois c’est uniquement le sol de la scène qui est mis en valeur, le pianiste et le saxophoniste restant souvent dans la pénombre… Étrange pour une salle qui affiche souvent des éclairages de meilleures qualités que bon nombre des salles de musiques actuelles de la métropole… Et le son me direz-vous ? Une balance sans doute légèrement bâclée qui met en avant la batterie au détriment du piano qui est très minoré au niveau de l’équilibre du groupe…Dommage car le jeu de Nick Smart est plus que digne d’intérêt ! Le trio britannique a développé un style qui lui est propre même si d’aucuns le rapprocherait de ses cousins de Gogo Penguin ou de Portico Quartet. Il faut dire que tous ces groupes partagent le même label Gondwana Records. Mais «Mammal» a son originalité propre, une sorte de méridien (de Norwich en Angleterre d’où ils sont originaires), sorte de grand cercle musical rêvé qui passerait par des pôles musicaux célestes comme le jazz contemporain (on entend parfois des influences des incontournables et adorés E.S.T, mais également via Jordan Smart au saxophone, à des apports de Pharoah Sanders, mais surtout une influence très nette de Jan Garbarek), la musique minimaliste à la Steve Reich, des touches de musiques électroniques, une pincée de folk et parfois même des couleurs de musiques du monde (la tabla du batteur n’y étant pas étrangère !). Jesse Barrett, le batteur/ percussionniste est très à l’aise sur sa jazzette à une seule cymbale, que cela soit à mains nues sur les peaux, avec des mailloches, des fagots ou des baguettes, et combinant même parfois tabla et baguette sur un des derniers morceaux du concert. La setlist tourne plutôt autour de morceaux à tempo lent, autour de leur dernier disque en date Gift from the Trees (le cinquième album studio du groupe) sorti en mars dernier. On constate un équilibre musical entre les trois instrumentistes et on ressent l’osmose due sans doute à de très nombreuses répétitions improvisées dans lesquelles chacun prend sa part dans l’écriture des titres et dans leur déploiement en séquences musicales. Le trio privilégie une puissante dynamique collective y compris dans les parties de chorus qui ne sont pas comme c’est souvent malheureusement le cas dans le jazz, des moments individualisés qui se suivent les uns après les autres pour chacun des artistes…Mais toujours des moments de partage et de dépassement pour sublimer la musique et l’emmener la plus loin possible pour le plus grand plaisir des spectateurs de la Smac du sud. D’autant que les trois musiciens adoubés notamment jadis par Jazz à Vienne et par le NJP de Nancy en 2021 (festival précurseur qui fête ses 50 ans ce mois : Happy Birthday les lorrains !), se sont fait rare en France et encore plus dans la Capitale des Gaules, c’est pourquoi il ne fallait absolument pas rater leur passage. Le public s’est pourtant moins mobilisé que lors de la venue de leurs homologues, les Gogo Penguin en octobre 2022, dans la même enceinte. Le très beau dernier morceau du show puisé dans le répertoire des premiers disques du groupe rappelait encore aux présents combien ils avaient eu le nez creux de braver les embouteillages de Gerland et de sécher une séance de rugby ; la belle complicité et inspiration musicale de ces trois anglais valait bien le déplacement dans la cité à la torchère.