Deux ans après son remarquable et très personnel album Fragments (2022) produit et arrangé par Daniel Yvinec, la chanteuse et compositrice Grazzia Giu revient avec une suite tout aussi ambitieuse et ciselée à la manière de son titre oxymore Bright Darkness très annonciateur de son contenu. Toujours sous la houlette magique du même directeur artistique, cette fois complété du virtuose et délicat pianiste italien Nico Morelli entendu derrière Paolo Fresu, Enrico Rava, Aldo Romano et tout le gratin du jazz italien, Grazzia Giu nous livre quelques nouveaux secrets de son mystère et de son univers sans frontières.
Daniel Yvinec a mis en œuvre un processus artistique inhabituel pour mieux capter la personnalité profonde de la chanteuse en suggérant une première session acoustique en duo piano chant, captant au plus près l’âme et la sensibilité des compositions. A cette matière brute, Daniel Yvinec a offert des arrangements feutrés et subtilement dosés de claviers, de percussions et de contrebasse qui conférent aux morceaux une nouvelle dimension respectant et amplifiant l’âme de la chanteuse, ses émotions et son mystère. Avec un tel écrin, il fallait des compositions d’envergure. On peut donc faire confiance à Grazzia pour les écrire elle-même ou pour les dénicher dans les mots des autres. Beaucoup plus que dans ses albums précédents, elle a fait appel à d’autres langues que l’anglais en ayant recours au français, mais aussi aux langues de ses racines que sont l’italien et le néerlandais. Cette fois pas de chanson de David Bowie mais une reprise époustouflante d’un grand texte de la chanson française La chanson des vieux amants de Jacques Brel avec ici la contrebasse de Daniel Yvinec omniprésente comme un clin d’œil caché au plat pays et à Amsterdam que David Bowie (simple coïncidence !) avait aussi su célébrer en adaptant les mots de Jacques Brel. Toujours en français, il y a le titre Des Souvenirs sur des paroles du comédien Baptiste Bordet le fils de Grazzia, avec un savant mélange de musique et de mots transpirant de douce nostalgie.
Avec Respiro, on pénètre un peu plus dans l’univers de Grazzia et son parcours de vie avec notamment l’utilisation de l’italien (la langue de son père) « il me faut insérer au-delà des moments difficiles tout ce que la vie m’a apporté » et en conclusion cette sublime chute suggérant la chanson de Léo Ferré «et puis avec le temps… ».
Dans Le temps est magique de la poétesse Delphine Burnod (qui avait déjà signé La grande ourse sur l’album « Fragments »), les mots sonnent comme une réponse à Léo Ferré et Grazzia y glisse quelques phrases en néerlandais (cette fois la langue de sa mère).
Le texte Le rayon de soleil est le fruit d’une co-écriture avec Joëlle Jayet-Griffon mélangeant français et anglais tout en cultivant un halo clair-obscur « elle n’est pas sans désir, elle n’est pas sans espoir qu’un rêve se dessine au détour d’un couloir… » finalement complété de bruitages électroniques venu du fond de l’espace !
Excepté Genius Child dont elle emprunte les paroles à l’écrivain et poète noir américain Langston Hugues, les autres compositions en anglais sont griffées intégralement Grazzia Giu et s’inscrivent dans la veine pop jazz très personnelle qui est la marque de fabrique de la chanteuse sur ses albums précédents encore plus mises en relief ici par les arrangements de Daniel Yvinec et l’accompagnement subtil de Nico Morelli. Il faut citer Dolphins titre ou elle nous invite à plonger et nager avec les dauphins et pour lequel elle a réalisé un clip (https://youtu.be/v0B-mqFf3K4?feature=shared) ainsi que Song of Freedom ou en amoureuse de la paix et de la liberté, elle rend hommage à quelques-uns de ses héros Nelson Mandela, Martin Luther King, Gandhi, John Lennon, Bob Dylan et Joan Baez…
Avec ce nouvel album Grazzia Giu a encore réussi à nous toucher et à nous émouvoir en nous entrainant dans son univers singulier et poétique, magnifié ici par une superbe et très adaptée production artistique.
La sortie de l’album chez Inouïe Distribution est prévue pour le 8 novembre et sera précédée d’un concert avec Nico Morelli au Jazz Club de Grenoble le 31 octobre 2024.
