En ce doux mois de décembre, un remarquable CD de jazz vient de sortir. Et si la ficelle- pardon la guirlande-, n’était pas un peu usée, nous vous conseillerions de le mettre dans votre hotte de père Noël.
En effet le Gil Lachenal group vient d’enregistrer dans ses propres studios et en autoproduction (cela devient la manière de faire la plus simple et la plus satisfaisante, tant pour la qualité de l’enregistrement que pour le soin apporté à l’objet) un disque de Jazz tout à fait passionnant et remarquable, tant il met en œuvre des qualités ou propriétés qu’il semblait impossible de rassembler : d’abord une petite formation (Gil Lachenal à la contrebasse, Laurent Richard aux saxophones ténor et soprano, Andy Barron à la batterie et Benoît Sourisse au piano) qui sonne comme une grande, tant les compositions sont structurées , polyrythmiques, poly-symphoniques, abouties : l’écriture de Gil pour être complexe et synthétique est assez remarquable de clarté (toutes les compositions sont de lui) ; tant la mise en place après deux ans de rodage en concert aboutit à cet « interplay » qui est ce que visent souvent les musiciens, et un signe d’excellence. Ensuite la combinaison d’une écriture très travaillée et d’une fougue juvénile dans les prises de parole, prises de risques. Bref le mélange d’un classicisme qui vise à la perfection et d’une improvisation qui le plus souvent étonne par sa liberté et la jubilation qu’elle procure. De quoi donner tort une fois de plus aux esprits sectaires qui ne jurent que par l’écriture et la mise en place, ou au contraire par le débridé de la jam compétitive et de l’esprit de « battle » le plus féroce possible. L’ironie du sort étant que « le côté obscur de la force » n’est jamais (à son corps défendant bien sûr), plus vivant que lorsqu’il se laisse « piéger » par la lumière.
Et « Le Hall aux 12 portes » (c’est le nom du CD), s’il y avait besoin de trouver une métaphore pour illustrer ce charmant mystère sans arrogance aucune, apporte cette lumière que les quatre complices vont s’acharner à faire vivre, à colorer à iriser en lui offrant la chair de leur sons, le matériau qu’elle inonde et qui la révèlent. Onze thèmes donc dans ce CD (puisque le douzième est le X qui mobilise et légitime l’équation c’est la place offerte à l’auditeur).
El Volcan Villarica donne d’emblée la tonalité d’ensemble : juste au dessus d’un lac, le volcan le plus actif du chili est la métaphore d’une musique explosive, tellurique, aux cadences sismiques. Se méfier des volcans apparemment éteints et des eaux qui sembles dormantes. Il ya quelques thèmes de cette trempe dans le disque, comme la Vague, L’escalator 2 ou Turbulences, qui nous remémorent quelque grooves rock chargés…ou Remous urbains qui se déploie comme un leitmotiv furieux et génial en diagonal d’improvisations débridées. Cette musique là, ne l’écoutez pas avec l’oreille de l’analyste (vous auriez du travail), laissez le corps parler, la danse s’esquisser et se développer.
Le CD manifeste de manière éclatante le chemin parcouru depuis le premier concert du quartet sur ce répertoire au Péristyle, l’été 2014. Nous avions entendu une musique exigeante, sans concession, construite avec un grand art, et nous l’avions trouvée un peu difficile. Non seulement le quartet maîtrise remarquablement son répertoire, mais il l’a intégré, dynamisé dans l’exposition des thèmes, dynamité dans les chorus… Ce que nous trouvons aujourd’hui dans ce CD. Ce que nous a fait entendre un très récent concert donné au Hot club de jazz de Lyon. Et c’est une « ovation debout » que les spectateurs étonnés et ravis ont fait aux quatre compères.
Ce CD est équilibré : à coté de ces hèmes de feu, vous avez quelques thèmes aussi dynamiques mais peut-être plus introspectifs : le miroir à facettes, le psychopathe (et oui, cette dimension de folie qu’il est tellement fréquent, tellement facile, mais tellement illusoire de projeter sur l’autre !), le Hall aux 12 portes. Et puis vous avez la sagesse :l’humour « Tout augmente » -une ligne serpentine, un mélisme merlinesque, une sarabande mélusienne , un feu d’amour ! L’humour et l’amour donc. Myriam a son heure de gloire, la place de choix. Puis vient la fécondité : La source.
Ce n’est rien de dire que le son est là, dans l’unisson du piano et du ténor (Escalator 2) que les groove sont là (écoutez ses variations dans Myriam), que la simplicité dans les rythmes l’a emporté sur la complexité (laquelle évite le simplisme) des constructions mélodiques, rythmiques, harmoniques. Ce n’est rien de dire que les chorus sont éblouissants (Benoit Sourisse), captivants (Laurent Richard au ténor et au soprano) nourris, fournis et élégants (Andy Barron) humbles et riches (Gil Lachenal). Il faut dire encore que la musique d’abord pensée et voulue par Gil Lachenal, est partagée distribué par quatre compères qui prennent ensemble un grand plaisir à la jouer
Bref la musique de Gil Lachenal s’incarne maintenant avec bonheur et même jubilation.
*CD disponible sur contact@gil-lachenal.com. Vous pouvez aussi vous faire une petite idée sur www.gil-lachenal.com