Voilà un album singulier, au-delà du généreux.
Un album qui apporte une fraicheur et une nouvelle jeunesse au piano jazz. Non par recyclage de l’ancien pour en faire du neuf, mais par son intemporalité. Il traverse les âges, comme savait le faire si bien Ahmad Jamal qui jouait sur son clavier toutes les facettes de l’histoire du jazz. Un album tout intérieur. Pas de démonstration claquante, pas d’airs clinquants à la mode, pas de référence à la scène actuelle outre atlantique, juste le fruit d’une expérience qui s’enrichit sans cesse. Il y a dans cet album le mystère et la force d’un Monk, la joie et le lyrisme d’un Petrucciani, le classicisme dépouillé d’un Jarrett. Un album qui force la porte de l’intime de son auteur, Zool Fleischer, sans fausse pudeur. Un album ciselé, dont les thèmes demandent plusieurs écoutes attentives, comme ces œuvres littéraires qui distillent leur style patiemment. On alterne entre des morceaux qui groovent et qui swinguent, faits pour la scène (et quelle scène, mesdames et messieurs les programmateurs !) et des morceaux presque susurrés à l’oreille du mélomane, un entre deux. C’est passionnant de bout en bout. Le trio est resserré autour des compositions du pianiste et avance en osmose. On dirait un être en mouvement, organique, une de ces machines à la Royal de luxe, qui confine au mythe et au mystère. Avec un batteur, Franck Agulhon, sorte d’Humair à fleur de peaux, et un contrebassiste, tout de basse profondes et de précision rythmique, Marc Bertaux (Ah, le disque kaleidoscope , avec Michel Pérez, qui a accompagné mon éducation musicale). Les trois font « la paire ». J’entends volontiers quatre, cinq, six instrumentistes, tant la décomposition des mouvements des mains du pianiste démultiplie les possibles. Pour s’en convaincre, je ne citerai qu’une seule pièce, Déesse, admirable de beauté, d’évanescence, qui frise l’éternel et le supra sensible. Décollage réussi. Suis aux anges. Tous les autres titres, je vous les confie dans le court texte qui suit. Le mieux est quand même de les écouter en direct.
Youkaïdi, You can do Youkaïda
Exécuter une danse, heavy dance
A marée basse
Pêcher un Golden Herring
Mais attention au petit grain
Ça peut devenir la looz
Alors, aller se jeter un café noir et goûter un hot bread
Puis Goodbye, se faire la malle
Pour un cinéma
Intérieur
Le Burt, Billie la Bluette, Horace, Bratjic, Ivan le Terrible
Tous ces chers disparus
Chapeau bas, les artistes.
P.S. : Un grand merci à Marianne d’Ursin (de l’atelier Sax Machine à Paris) qui nous a guidé Florence Voir et moi vers la musique de Zool Fleischer.