
Admirateur de Yaron Herman au démarrage de sa carrière avant même sa Victoire du Jazz comme Révélation de l’année en 2008 et la sortie simultanée de l’album Muse qui l’installera solidement sur la scène jazz, le pianiste avait fait sa marque de fabrique d’un savant mélange de compositions originales et de quelques reprises pop (Bjork, RadioHead, Sting …). Avouons que nous avions relâché un peu notre attention avec la multiplication de projets diversifiés souvent chargé de sonorités électroniques. Avec son nouvel album Radio Paradise (Naive 2025), le pianiste Yaron Herman signe un vrai retour au jazz par la juxtaposition de plusieurs éléments, au premier rang desquels le retour à des sonorités acoustiques habillant parfaitement les mélodies dont il a le secret. En complément il faut aussi compter sur le retour de son fidèle batteur Ziv Ravitz merveilleusement soutenu par le bassiste Haggai Cohen Milo et l’arrivée de deux brillantes saxophonistes ténor : la suissesse Maria Grand et la française Alexandra Grimal qui interviennent séparément ou conjointement selon les titres. Pour parfaire le tout, l’équipe musicale a pu bénéficier à la direction artistique du précieux Daniel Yvinec.
L’album présente neuf compositions originales finement arrangés pour faire de la place au saxophone, le plus souvent en quartet avec cinq titres pour le ténor de Maria Grand et deux titres pour celui d’Alexandra Grimal, les deux saxophonistes intervenant conjointement sur les deux titres restant. Yaron Herman avoue « éprouver une frustration avec le piano, celle du manque de souffle et de la sensualité de la note soufflée ». Avec une mélodie doublée au saxophone, celle-ci prend une ampleur lyrique plus prononcé ce qui est le but recherché tout en laissant une place à la rythmique pour venir se glisser discrètement ou plus intensément selon les morceaux. C’est cette diversité qui fait toute la richesse et l’originalité de l’album au point que chaque nouvelle écoute livre de nouveaux plaisirs émotionnels et ouvre vers d’autres paysages.
A la première écoute c’est le titre The minute before qui s’est imposé comme subjectivement une pure évidence car on y retrouve ce parfait mariage du ténor d’Alexandra Grimal et du piano avec des effusions lyriques qui parcourent le morceau de bout en bout pour sublimer la superbe mélodie. Les écoutes suivantes n’ont fait que nous conforter dans ce choix.
Sur Strive c’est la rythmique qui abat un travail phénoménal et éclaire intensément le travail piano et sax. Sur Vanya’s song c’est au tour de Maria Grand de rivaliser de lyrisme avec le piano après s’être montré plus free sur Jiyu.
Better place blues voit les deux saxophonistes présentes simultanément et s’interpeller et se répondre autour du piano qui les stimule et les réunit. Le titre In this Word, qui clôture l’album, réussit la parfaite synthèse de figures exposées précédemment avec un piano qui s’efface derrière la rythmique ou le sax pour mieux revenir au premier plan et nous éblouir.
Avec Radio Paradise, Yaron Herman signe un retour au jazz sans additif et une réussite de bout en bout qui mérite largement d’être défendu sur scène. Des concerts sont d’ores et déjà annoncé pour ce printemps (Festival Jazz à Saint Germain Des Prés le 16 mai et Jazz sous les Pommiers le 24 mai) D’autres festivals vont suivre cet été (Montpellier et Millau…) et nous avons de bonnes raisons d’espérer quelques dates en terre Rhone-alpines cet automne.